Affaire de Tiflet: une réponse et des questions

Karim Boukhari.

Karim Boukhari.

ChroniqueS’il a corrigé le jugement de première instance, le verdict d’appel dans l’affaire de Tiflet soulève des interrogations sur des questions de fond. Survolons-les.

Le 15/04/2023 à 10h14

À Tiflet, une enfant de 11 ans a été violée à répétition par trois individus, de longs mois durant, avant de tomber enceinte et d’accoucher d’un garçon. Et ce n’est qu’à la fin que l’affaire a été portée devant la justice.

Cette histoire a fait le tour du monde pour deux raisons. Il y a l’extrême gravité des faits et il y a cet ahurissant verdict de la justice en première instance: 18 à 24 mois de prison pour les violeurs, soit cinq ans de prison distribués au total.

La disproportion entre les faits et les sanctions a été aggravée, si l’on peut dire, par les «circonstances atténuantes» que la justice a bien voulu accorder aux violeurs! Que dire?

Affaire monstrueuse et jugement encore plus monstrueux: voilà ce que toute personne normalement constituée a pu ressentir. Fin du chapitre 1.

Le chapitre 2 a commencé avec la campagne de dénonciation du verdict et de soutien à la victime, aujourd’hui âgée de 13 ans. Beaucoup de personnes sincères ont prêté leurs voix et leurs plumes pour corriger ce qui peut l’être.

Le jugement en appel, qui vient de tomber, a ainsi distribué un total de 40 ans de prison aux trois violeurs (20 + 10 + 10), contre 5 ans seulement en première instance. Les peines ont donc été multipliées par huit!

Bien sûr, le premier réflexe est d’applaudir: les lourdes peines vont dans le sens de la restauration de l’honneur et de la dignité bafouée de la victime et de sa famille. Ces peines serviront d’exemple pour dissuader les violeurs potentiels qui courent les rues. Mais…

Parce qu’il y a un «mais». Voire deux.

Que va devenir la jeune victime, l’une des plus jeunes mamans (malgré elle) du Maroc, que va devenir son bébé? Comment devra-t-elle faire au quotidien, elle et sa famille, sachant que les familles des agresseurs font partie de leur voisinage?

Sur un autre plan, il y a de quoi se poser des questions sur le fonctionnement de la justice marocaine, et surtout sur la marge de manœuvre (ou d’erreur) dont peut disposer un juge. Nous savons tous que les procès en appel ont une vertu «correctrice», contredisant parfois les jugements en première instance, mais pas à ce point…

Si on part du principe que les deux tribunaux rendent justice et appliquent la loi, on en arrive à une conclusion qui fait froid dans le dos: quand, entre la première instance et l’appel, les écarts vont du simple à l’octuple, alors que les chefs d’accusation-inculpation n’ont pas été requalifiés, c’est que la marge de manœuvre accordée aux juges frôle l’indécence.

C’est comme si un médecin posait un diagnostic en s’accordant une marge d’erreur ou d’interprétation de 800%. Ce n’est pas possible.

Il faut absolument travailler à réduire cet écart, cette marge. C’est ce que nous dit en substance l’affaire de Tiflet, qui nous ouvre les yeux sur la nécessité de protéger l’enfance, de sévir réellement contre les crimes sexuels, de changer les lois… Et de faire évoluer les mentalités de ceux qui les appliquent.

Par Karim Boukhari
Le 15/04/2023 à 10h14

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Je n'ai pas vu passer qe qu'à été la demande du procureur général e' première instance. J'imagine que le juge ne suit pas à la lettre les peine requises par le procureurs et c'est tout à fait normal, mais quand mémé, là aussi il ne devrait pas y avoir un très grand écart entre les deux ?

Il y a clairement anguille sous roche sur le premier jugement. Et c’est exactement sur celui ci qu’il faille faire enquête et surtout sevir.

Croyez bien qu'il y a de très nombreux détraqués sexuels étrangers qui ont abusé et abusent encore d'enfants au Maroc et qui n'ont jamais été inquiétés par la justice marocaine par le simple fait qu'ils étaient occidentaux. L'association "touche pas à mon enfant" a de nombreuses fois médiatisé des affaires tout aussi sordides impliquant des touristes étrangers mais bisarement la justice ne s'est jamais retroussé les manches comme elle l'a fait jusqu'à maintenant!

Ou sont nos medias?

Il faut approfondir la réflexion et ne point se contenter du titre du chapitre pour prétendre à la parole ... Relayer une info égale 0 valeur ajoutée au débat

Ssi Boukhari vous avez touché le fond du problème ! Je crois aussi que la Cour d'appel et pour ne pas agrandir l'écart entre les 2 jugements a maintenu l'écart de la peine entre le supposé père et les 2 autres violeurs... jugement absurde et incompréhensible... comme ça a été déjà dit sur d'autres commentaires chacun des 3 violeurs aurait pu être le père de l'enfant... Absurde non ? Merci

deux problèmes : textes non clairs induisant interprétations disparates ou juge qui a mal fait son travail et le risque conséquence n'était pas négligeable doit donc être sanctionné.

sans les médias et les réactions d'une bonne partie de la population, cette gamine serait entrée dans un anonymat a faire pleurer les "paresseux" (animal). Même sa situation actuelle nous fait chavirer, que dira son enfant lorsqu'il sera adolescent ? une fois adulte, quel regard jettera t-il sur la société quand on lui lancera : "tu es les fruit, pardon, le résultat de viols a répétitions !!". quand les juges avaient prononcé la sentence en 1er lieu, avaient-ils eu en tête que le Maroc et ses médias sont observés avec sévérité a partir de l'étranger. avec leur 1er jugement, ils ont donné du grain a moudre aux organismes tel les droits de l'Homme. J'ai mal pour la société marocaine, si j'applique la théorie de : "houta etkheneze echouaris" alors que je suis a des milliers de km du Maroc

Une question me taraude, et je ne dois pas être le seul : N’y-a-t-il pas une histoire de corruption des juges pour que le verdict de première soit aussi clément ?

j"ai pensé la même chose!

"Il faut absolument travailler à réduire cet écart, cette marge. C’est ce que nous dit en substance l’affaire de Tiflet, qui nous ouvre les yeux sur la nécessité de protéger l’enfance, de sévir réellement contre les crimes sexuels, de changer les lois… Et de faire évoluer les mentalités de ceux qui les appliquent." C'est juste à cause du ramadan qu'il y a écart.

Il faut diligenter une enquête envers le juge du tribunal de 1ere instance

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