Bienvenue à 2025 et à la révision du Code de la famille

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueUne note d’optimisme et la promesse de grands changements, comme un cadeau du père Noël! La révision du Code de la Famille est une aubaine pour certaines et certains, un cadeau empoisonné pour d’autres!

Le 03/01/2025 à 10h59

Je préfère l’appellation arabe, utilisée dans le discours officiel: islah, correction, ou mourajaâ, révision et non ta’dil, réforme. Ce qui reflète la volonté du Roi et du peuple, du moins une partie, de faire avancer les lois pour les harmoniser avec nos évolutions sociétales. Un processus démocratique, confié, suivant les directives royales, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, au ministère de la Justice et au président du ministère public.

Pour la première fois, il n’est pas confié quasi exclusivement aux oulémas, comme ce fut le cas en 1957, 1993 et 2004. Divers acteurs ont été impliqués et consultés: institutions gouvernementales, partis politiques, institutions civiles, composantes de la société civile et experts. Cette méthode participative innovante a donné lieu à des révisions que le Souverain a fait valider par le Conseil supérieur des oulémas.

Une révision attendue par ceux et celles qui militent pour une société équitable, et qui ont eu des raisons d’être satisfaits. Les conservateurs, eux, sont scandalisés.

Une révision audacieuse, quelques exemples à l’appui. La tutelle reviendra à la mère qui a la garde de ses enfants pour entreprendre des démarches administratives, et ce, sans attendre l’autorisation de leur père. Les mères divorcées ayant la garde de leurs enfants peuvent la perdre en se remariant (dès que l’enfant atteint 7 ans) si le père le souhaite. Cette injustice, qui a empêché des milliers de femmes de refaire leur vie, n’aura plus cours.

Ce qui fâche le plus les hommes, c’est la reconnaissance économique du travail domestique. Une femme qui ne travaille pas hors du foyer contribue également au patrimoine de l’époux. Divorcée, elle sort «une main devant, une main derrière». Il est normal que son apport soit considéré comme une contribution aux biens acquis durant le mariage.

Un autre sujet de discorde: en cas de divorce, l’épouse a droit à une partie des biens acquis pendant la vie conjugale. Les femmes qui travaillent dépensent leur salaire dans le foyer. L’époux épargne et acquiert des biens. Divorcée, elle se retrouve démunie. Il est normal qu’elle soit indemnisée.

Pour beaucoup d’hommes, les femmes sont divisées en deux catégories: les épouses et les autres! Quand on parle de cette réforme, ils ne pensent qu’à l’épouse qui va les dépouiller après le divorce. Ils oublient l’autre catégorie de femmes: les sœurs, filles, mères, tantes, nièces… Quand un homme est affligé par le divorce de sa fille dans des conditions dramatiques, qui peine à nourrir ses enfants parce que leur père ne verse pas de pension alimentaire, c’est là qu’il est scandalisé: «C’est quoi ce pays qui ne protège ni les femmes ni leurs enfants?»

«Le problème est que ceux qui soutiennent cette révision ne se sont pas mobilisés sur les réseaux sociaux. Ils attendent sagement l’élaboration du projet de loi et la publication des textes législatifs.»

Les réseaux sociaux bouillonnent et alimentent la colère avec une campagne d’intox: «Après le divorce, les hommes seront obligés de tout partager avec l’épouse, sinon, c’est la prison. Les femmes vont se marier quelques mois, juste pour dépouiller les maris», prétend-on, alors le texte parle précisément des biens acquis lors du mariage.

La réforme détruirait notre religion et nos valeurs: «Ces féministes poussent les hommes à la fornication en les empêchant de se marier!» et «Les femmes ne trouveront plus de maris!», a déclaré dans une sortie médiatique Ahmed Raissouni, ancien secrétaire général de l’Union internationale des savants musulmans, qui estime que «nous aurons besoin de la solution hindoue, où la femme paie une lourde dot à l’homme pour qu’il l’épouse».

Un jeune, furieux: «Bientôt tu vas devoir payer ta femme pour faire l’amour!» Un internaute affirme que, depuis l’annonce de la révision, 20% de projets de mariage ont été annulés. Allez savoir d’où il sort ce chiffre…

Un autre jeune homme: «Ce n’est pas un Code de la famille, mais un Code de l’épouse à qui on a tout donné injustement! Si le mari meurt et que sa mère habitait avec lui, la maison sera la propriété de son épouse, qui mettra sa belle-mère à la porte.»

Le problème est que ceux qui soutiennent cette révision ne se sont pas mobilisés sur les réseaux sociaux. Ils attendent sagement l’élaboration du projet de loi qui sera soumis au parlement et la publication des textes législatifs. Lequel parlement à déjà exprimé sa satisfaction à travers les partis politiques, y compris le Parti de la justice et du développement (PJD). À ce moment-là, la mobilisation de tous et une forte campagne de la part de l’État seront indispensables pour informer et rassurer la population et lutter contre la désinformation.

Mais il reste d’autres défis à relever dans le cadre de la réforme, notamment l’introduction de l’expertise génétique (ADN) pour prouver la filiation paternelle, refusée par les Oulémas. Ces derniers ont également rejeté la proposition de l’abrogation du ta’cib, qui limite l’héritage à la filiation masculine, et qui n’existe absolument pas dans le Coran. Nous allons devoir nous contenter de l’exclusion du foyer conjugal de l’héritage, en cas de décès du mari ou de l’épouse. Mais le problème reste entier pour les filles d’un défunt qui n’a pas enfanté de garçons, puisqu’elles seront dépouillées par leurs oncles et tantes!

La révision du Code de la famille est une grande avancée vers une plus grande équité entre les sexes. En ce début d’année, restons positives et savourons notre satisfaction.

Très bonne année, en implorant le Tout-Puissant d’établir la paix universelle et de nous gratifier d’un hiver bien pluvieux.

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 03/01/2025 à 10h59