C’est quoi être député?

Tahar Ben Jelloun.

Tahar Ben Jelloun.

ChroniqueUn député ne pense pas à lui, mais à ceux, non visibles, qui se tiennent derrière lui et attendent qu’il intervienne pour eux. En aucun cas, il ne devrait profiter de son statut pour faire fructifier ses propres affaires. Tant qu’il est député, il oublie les affaires. C’est un point fondamental. La fonction de représentant de la population lui interdit de mélanger le privé et le travail parlementaire.

Le 29/01/2024 à 10h59

Mon ami Karim Boukhari a eu raison, samedi dernier, d’attirer notre attention sur le scandale que certains députés ont créé ces derniers mois, jetant l’opprobre sur l’ensemble des représentants du peuple marocain. En même temps, Sa Majesté a demandé la mise en place d’un «code de déontologie juridiquement contraignant pour les deux chambres de l’institution législative».

Comment y remédier? Je propose d’avoir recours à un peu de pédagogie, avant et après les élections.

Avant cela, des personnalités du monde du droit et de la science politique pourraient expliquer aux candidats à la députation ce que cela veut dire, ce que cela implique et leur expliquer clairement quels sont les droits et surtout les devoirs d’un élu du peuple.

Il faudrait aussi exiger un niveau d’études qui s’avère nécessaire pour siéger et défendre les intérêts de ceux qui l’ont élu. Désolé de tenir à l’écart certaines personnes ne sachant ni lire ni écrire. À moins de leur donner des cours de façon accélérée. L’analphabétisme est encore une tache noire dans le pays.

Une fois devenu député, autrement dit représentant de sa ville, de son village ou de son quartier, une autre pédagogie devrait être instaurée. Un rituel pour apprendre ce qu’un parlementaire doit faire et surtout ne jamais faire. Pour porter sur les épaules un tel honneur, une telle responsabilité, il faudra se montrer digne de cette immense confiance. Digne veut dire être au niveau d’exigence et de respect des lois, des principes et des valeurs censés être à la base de cette fonction.

Un député doit être exemplaire, avoir un comportement irréprochable.

Un député n’est plus un individu isolé, seul. Il est le représentant de milliers d’autres individus qui l’ont chargé de porter leurs paroles dans cette enceinte, de les exposer et de les défendre.

Un député ne pense pas à lui, mais à ceux, non visibles, qui se tiennent derrière lui et attendent qu’il intervienne pour eux.

Un député se débarrasse de son égoïsme, délaisse ses intérêts personnels et ne pense qu’à l’intérêt supérieur de l’État.

Sa modestie est naturelle. Il ne pense pas à lui, il ne se rend pas service à lui-même, mais il est au service de l’État, du peuple, de la nation.

De là, il devrait mettre entre parenthèses les affaires qu’il avait en cours avant son élection. En aucun cas, il ne devrait profiter de son statut pour faire fructifier ses affaires. Tant qu’il est député, il oublie les affaires. C’est un point fondamental. La fonction de représentant de la population lui interdit de mélanger le privé et le travail parlementaire.

Un député fait normalement partie d’un groupe, d’un parti. Il doit suivre les recommandations de son parti jusqu’à la limite où les intérêts du parti et ceux du pays se rejoignent. Aucun favoritisme n’est permis. Pas de mélange des genres.

L’immunité est un droit. Encore faut-il la respecter strictement et ne pas en faire un voile pour faire autre chose que ni la loi ni le droit n’autorisent.

Les qualités d’un député sont essentielles pour bien faire son travail. C’est pour cela qu’avant de s’engager en politique, il faudrait avoir en tête toutes les qualités nécessaires pour prétendre représenter des électeurs qui, par leur geste, lui expriment leur confiance.

La confiance a de la noblesse et de la valeur. Besoin est de la respecter et d’être à sa hauteur.

Nous savons tous, malheureusement, qu’il suffit d’un poisson pourri dans le couffin pour contaminer tous les autres. La dernière affaire de drogue a jeté un discrédit nauséabond sur le Parlement. Certes, la justice est au travail. Mais ce que nous aimerions, nous autres, citoyens sincères, nous aimerions que cela n’arrive jamais. Des voyous, il y en a partout dans le monde. Aucune société ne peut prétendre en être dépourvue. Ce n’est pas une raison pour ne pas repenser la notion de représentativité et moraliser au maximum la fonction de député (comme celle de n’importe quel homme politique).

Un dernier point: si on a été élu, c’est pour être présent, pas absent. Or l’absentéisme -sauf en cas de force majeure- doit être condamné en payant une amende qui sera prise sur le salaire du député.

Le sérieux doit être la base de tout travail. Déjà, nombre de citoyens se demandent à quoi sert le Parlement. Un travail devrait être entrepris par les députés pour corriger leur image et leur réputation. Pour cela, il y a le sérieux, toujours le sérieux et, toujours présente à l’esprit, la déontologie.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 29/01/2024 à 10h59

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

Bonsoir Monsieur Tahar Ben Jelloun. Personne n'est encore arrivé à faire d'un âne un cheval de course. Cordialement.

Et pour ma part, même s'il y a la présomption d'innocence, un député mis en examen doit démissionner et repasser par les urnes s'il souhaite endosser le rôle de député. Et la plupart des français pensent comme moi. C'est trop facile. Et puis il faut remettre de l'éthique et de la dignité dans ses fonctions de représentation des peuples.

Driss, vous avez raison concernant la démocratie à l'occidentale. D'autant qu'en France, nous ne sommes plus en démocratie mais dans UNE RÉPUBLIQUE BANANIÈRE où Macron a pris soin de nommer tous ses potes aux postes décisionnaires et stratégiques dans tous les domaines, ex. Le Conseil Constitutionnel lui est complètement acquis......L'occident ne doit plus être un modèle...

Ce que vous avez dit est vrai mais bien évident. C'est digne de Lapalisse! Soixante ans de parlementarisme et toujours la même chose et cela risque d'empirer. Vous auriez dû vous adresser aux partis politiques et aux syndicats qui ne jouent pas ce rôle d'éducateurs. L'extrême gauche est antimonarchiste, la gauche n'arrive pas à le cacher en faisant saboter les grands projets de l'Etat et en faisant descendre les forces ouvrières dans la rue pour que la roue cesse de tourner. Les partis de droite ne pensent qu'à leur portefeuille et leur compte en banque. Cette phase transitoire, est propice aux opportunistes mais les choses finiront par s'améliorer. Encore faut-il que les gens comme vous frappent à la bonne porte, la porte de la vérité. Ne ménagez personne§.

Bonjour, croyez-vous qu'un député baron de drogue à besoin d'un salaire de député pour survivre ?

Monsieur Ben Jelloun! La crise est tellement profonde qu’elle ne peut être réglée par de simples cours de " محاربة الأمية ". Je me demande si la démocratie à l’occidentale est le modèle le plus approprié dans un pays où le tiers de la population est analphabète , gangrené par la corruption ,et ,où la misère favorise l’achat des voix pour 50 DH (100 DH si inflation 🐒). Dans ce contexte, on se permet d’avoir 2 chambres( aussi inutile l’une que l’autre), un nombre de parlementaires pratiquement équivalent à celui de l’Inde dont la population est 40 fois la notre, et, on accorde à ce ramassis d’analphabètes, incompétents,corrompus et narcotrafiquants les indemnités les plus élevées dans la région 🤔. Force est de constater que le " le monde à l’envers " s’étend au-delà de zouj Bghal 🫏

0/800