Mardi 7 janvier, deux familles se préparent ce jour-là à accueillir un nouveau membre. L’une attend son premier enfant, l’autre son deuxième. L’atmosphère est à la fête, malgré le stress normal que peuvent ressentir les proches de la maman et du papa avant un accouchement. Pourtant, en quelques heures, l’impensable se produit: les deux mamans perdent la vie. Face à ce drame, une enquête est ouverte par les autorités compétentes.
Après un long silence, la clinique finit par réagir ce mercredi 15 janvier, soit 8 jours après les événements. Approchée par Le360, sa direction assure que seul «le rapport de l’autopsie permettra de déterminer précisément les circonstances» entourant ce drame. Elle confirme, par ailleurs, avoir enregistré «deux décès, et non trois», comme initialement relayé dans les médias, et déclare qu’«une enquête est en cours et qu’une commission du ministère de la Santé, accompagnée des autorités judiciaires, a déjà été dépêchée sur place».
Lire aussi : Âge, causes, évitabilité… L’essentiel d’une étude rétrospective de cas de mortalité maternelle à Marrakech
La direction ajoute qu’elle attend «les résultats de l’autopsie et la fin de l’instruction» pour publier un communiqué détaillé: «Nous regrettons profondément ce qui s’est passé. C’est la première fois que nous vivons une telle situation. Depuis l’ouverture de la clinique en 2023, nous avons pratiqué environ 2.752 accouchements par césarienne, sans enregistrer de décès.»
En attendant les conclusions de l’enquête, les familles pleurent leurs proches et cherchent à comprendre ce qui a mal tourné.
«Elle était jeune, en parfaite santé»
Ce mardi 7 janvier, à 8 heures du matin, K.B., 23 ans, se présente à la clinique pour son premier accouchement, un événement programmé depuis plusieurs semaines. Son état de santé est bon, aucun signe inquiétant. «On s’est présentés à l’hôpital, on a fait toutes les formalités. Ma femme a été conduite au bloc vers 8h30», relate son mari.
L’accouchement a lieu une heure plus tard, vers 9h30. À la famille, la clinique annonce que le bébé va bien. «À la réception, ils m’ont appelé pour dire que mon épouse avait accouché et qu’on devait envoyer des vêtements. La maman de mon épouse est descendue au lieu d’accouchement, juste le temps de remettre un sac au personnel. Elle n’a pas pu voir l’enfant, ni sa fille.»
Le temps passe. «La clinique nous a donné une chambre, on a installé nos affaires, nous étions impatients de retrouver la nouvelle maman et son bébé. Toutes les trente minutes, ou toutes les heures, je descendais demander des nouvelles, mais on me refusait l’accès au bloc.» Prétexte : «Elle n’est pas encore réveillée de l’anesthésie.»
Trois heures plus tard, l’inquiétude devient palpable. Le personnel s’active à droite et à gauche, mais les réponses restent vagues. Finalement, le personnel annonce au mari: «Elle est en réanimation.» Pourquoi? Comment? Impossible d’avoir plus de détails.
Lire aussi : Vidéo. Dar Al Oumouma Ourika, pour réduire la mortalité maternelle
À la réception, un autre homme apprend au même moment que son épouse, admise pour un autre accouchement, est également en réanimation. «J’apprends en même temps que l’anesthésiste de la clinique était absent et que l’établissement avait fait appel à quelqu’un d’autre pour le remplacer», ajoute le jeune époux.
Les heures passent. Les mauvaises nouvelles commencent à tomber: «Ils ont mis un pansement sur les yeux de mon épouse. On m’a d’abord parlé d’un choc anaphylactique. Vers 16h30, la première victime — la femme de l’autre monsieur — a été déclarée décédée. J’ai commencé à paniquer encore plus.»
Le mari insiste pour savoir ce qu’il se passe: «On ne veut pas la réveiller car son état est trop fragile», lui dit-on. Puis, presque machinalement, on lui annonce que «tout est stable», qu’il doit revenir plus tard. «À minuit passée, je suis même prié de rentrer et de revenir le lendemain», confie-t-il.
Le jeune papa décide de rester. Finalement, à 3 heures du matin, la terrible annonce tombe: sa femme a fait un arrêt cardiaque. Elle est décédée.
«Elle tremblait sans arrêt»
L’autre famille endeuillée partage un récit tout aussi déchirant. Pour ce jeune père, c’était le deuxième accouchement de son épouse trentenaire. Ils ont déjà une petite fille de cinq ans à la maison, impatiente de rencontrer sa petite sœur.
À 7h30, ils arrivent à la clinique, sur recommandation de la gynécologue : «À 8h, le médecin était là. À 8h30, ils l’ont emmenée au bloc.» Quelques heures plus tard, on l’informe que sa femme a eu une réaction allergique. Pris de panique, il réclame le droit de la voir: «Quand j’ai pu l’apercevoir, elle tremblait sans arrêt.» Lui aussi se heurte aux mêmes justifications: «Elle n’est pas réveillée, c’est juste l’anesthésie.» Vers 16h, le deuxième décès est annoncé.
Lire aussi : Tiznit: le service de maternité débordé, les femmes enceintes redirigées vers Agadir
Sous le choc, le mari se rend au commissariat de police: «On a établi un procès-verbal. Le procureur m’a reçu, m’a présenté ses condoléances et a promis un suivi de l’affaire.» Ensuite, à la morgue, le médecin légiste le met en garde: il faudra attendre les résultats de l’autopsie.
La vérité, toute la vérité, rien que la vérité
Les deux nouveau-nés se portent bien. Mais ils grandiront sans connaître leurs mères. Pour les familles, bien des interrogations demeurent. Les deux maris soupçonnent une erreur médicale grave. Leur sentiment est que l’on a tenté de retarder et d’espacer les annonces de décès.
À la colère s’ajoute le doute, donc. Le plus dur, disent-ils, c’est l’absence de transparence: «Personne ne nous a vraiment expliqué ce qu’il s’est passé. Au début, ils parlaient de choc anaphylactique, puis de complications. On se demande pourquoi les médecins semblaient hésitants, pourquoi ils nous encourageaient à partir.»
En attendant les résultats de l’enquête, familles et proches souffrent. Et ne comprennent pas. Leur seule demande est que la vérité soit établie. Affaire à suivre...