En Algérie, l’Association des professionnels des banques et des établissements financiers (ABEF), groupement qui avait servi en 2022 au blocage des relations économiques entre l’Algérie et l’Espagne suite au soutien apporté par Madrid au plan d’autonomie marocain pour le Sahara, a de nouveau été utilisée pour empêcher à ses opérateurs économiques d’effectuer toute opération de transbordement ou de transit via les ports marocains.
Selon Challenge, qui relaie le contenu d’un courrier de l’ABEF, daté du 10 janvier 2024, «il a été décidé de refuser toute opération de domiciliation pour les contrats de transport qui prévoient le transbordement/transit par les ports marocains».
Les autorités algériennes imposent aussi à cette association professionnelle de «s’assure[r] auprès des opérateurs économiques que le transbordement/transit n’intervien[ne] pas par les ports marocains, avant de procéder à toute domiciliation».
L’importateur devra ainsi, «lors de l’ouverture de sa Lettre de Crédit», explique Challenge, «préciser dans ce document que les transbordements ou le transit par les ports marocains est interdit».
L’hebdomadaire précise que la réaction algérienne «fait suite à l’initiative internationale du Roi Mohammed VI de favoriser l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique, [une décision] que les autorités algériennes considèrent comme allant à l’encontre de leurs intérêts, surtout que l’initiative marocaine vise une sous-région essentielle pour l’Algérie qui y perdait beaucoup de son influence».
À défaut de pouvoir rivaliser avec le Maroc dans une course de cette envergure, l’Algérie, qui espérait se relancer avec un projet géant à Cherchell pour contrer l’ascension du Port de Tanger Med, vient de transposer cette bataille portuaire et compte impacter ainsi le trafic du premier port à conteneurs en Méditerranée et en Afrique.
Techniquement, «par sa décision tout à fait inopportune, l’ABEF force ces opérateurs à un second déroutement via les places méditerranéennes, comme Valence, Le Pirée ou Marsaxlokk», explique Najib Cherfaoui, un expert portuaire et maritime, interrogé par Challenge.
En ne passant plus par Tanger Med, l’Algérie verra le coût de son fret maritime augmenter considérablement, d’autant que le géant portuaire marocain est devenu la porte d’entrée vers la mer Méditerranée, depuis que les navires évitent la mer Rouge.
Najib Cherfaoui se dit «certain que les donneurs d’ordres de l’ABEF vont finir par comprendre l’absurdité de leur démarche, doublement pénalisante pour leurs propres ports, en raison de l’allongement des temps logistiques à l’import et des surcoûts généralisés de positionnement: les armateurs facturent le moindre déroutement, d’autant qu’il est commandité!».