Aux alentours de 17 heures, l’avocat général Jean-Christophe Muller a fait son plaidoyer face aux jurés. Auparavant, la Cour avait entendu les expertises du psychiatre et du psychologue qui ont examiné Laura Prioul et Saad Lamjarred après les faits, et l’avocat de Laura Prioul, Maître Decourbes, avait pris la parole.
D’après notre source proche du dossier présente au Palais de justice, et tenant compte du suivi du procès assuré par la journaliste de RFI Marine de la Moissonnière, l’avocat général a tout d’abord invité le jury à ne pas avoir «une vision caricaturale» de Saad Lamjarred et de Laura Prioul, en raison des nuances et de la complexité de cette affaire.
En effet, a-t-il poursuivi, il entendait «remettre les choses à leur juste place». Et d’interroger: «Qui accuse Saad Lamjarred aujourd’hui? Ce n’est pas Laura Prioul, c’est le Ministère public. C’est lui qui a considéré que M. Lamjarred devait être jugé devant une Cour d’assises». Cette distinction, l’avocat général va la répéter à trois reprises selon notre source au tribunal.
Jean-Christophe Muller a ensuite invité les jurés à «faire une première liste des éléments objectifs acquis», car si «on dit que c’est parole contre parole» dans ce genre de procès, «avant les paroles, il y a les faits», a-t-il argué.
Recensement des faits
Il a ainsi listé lesdits éléments, revenant en premier lieu sur le fait que le 26 octobre 2016, Laura Prioul «est une jeune femme de vingt ans en devenir» et que Saad Lamjarred est quant à lui «un homme de trente et un ans déjà installé dans l’existence».
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Puis de souligner que le chanteur a consommé de l’alcool et de la cocaïne, et également que les deux personnes présentaient des lésions. Dermabrasions sur l’épaule, le cou, le tronc et rougeurs sur le ventre pour Saad Lamjarred, et pour Laura Prioul, des ecchymoses sur l’épaule, la lèvre, le coude, la nuque, une abrasion au coude droit ainsi que trois pétéchies sur la face vestibulaire de l’hymen.
Jean-Christophe Muller a également, selon notre source au tribunal, invité les jurés à tenir compte de la bonne conduite de Saad Lamjarred lorsqu’il était incarcéré et de son respect des procédures judiciaires lorsqu’il a été libéré.
Un viol avéré selon l’avocat général
Après être revenu sur la chronologie des faits, l’avocat général a rappelé la définition légale du viol en France, déclarant: «On suppose que le consentement n’existe pas quand il y a violence, contrainte, même morale, menace ou surprise».
Allant à l’encontre de la ligne de défense de Saad Lamjarred –qui avait consisté, en partie dans la matinée, à s’interroger sur les deux cent cinquante clichés partagés par Laura Prioul sur son compte Instagram depuis 2019, et sur lesquels elle apparaît en train de faire la fête, en maillot de bain ou en sous-vêtements–, l’avocat général a jugé que «la vie de Laura Prioul, son parcours professionnel et personnel, son appétence réelle ou supposée pour les réseaux sociaux ne sont en rien de nature à permettre d’apporter un élément solide d’analyse de sa crédibilité». En effet, a-t-il estimé, «Laura Prioul est une jeune femme de 27 ans qui vit dans la France de 2023».
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S’attardant ensuite sur la notion de consentement, Jean-Christophe Muller a relu les conclusions du rapport gynécologique qui a constaté «la présence de trois pétéchies sur la face vestibulaire de l’hymen pouvant être rapportés à un rapport sexuel récent sans en être spécifique». Pour rappel, le médecin légiste avait quant à elle déclaré dans son rapport n’avoir relevé aucune trace de viol ni de sperme.
Pour asseoir la thèse du non-consentement de Laura Prioul, l’avocat général s’est par ailleurs appuyé sur les témoignages des employés de l’hôtel qui ont vu Laura partir en courant et en pleurs de la chambre de Saad Lamjarred. Et de conclure que selon lui, il ne fait aucun doute que Saad Lamjarred a violé Laura Prioul et qu’il en avait conscience puisqu’il a été violent avec elle.
Ce que requiert le Ministère public
Soulignant toutefois que celui-ci ne boit plus (d’alcool, ndlr) et ne se drogue plus, et s’appuyant sur les expertises des psychiatres et psychologues, l’avocat général a estimé que Saad Lamjarred n’était pas un prédateur sexuel.
Et de conclure que Saad Lamjarred se soignant volontairement, il ne demanderait pas de suivi socio-judiciaire. Toutefois, l’avocat général a requis une peine de sept ans de prison assortie de cinq ans d’interdiction de territoire.
Selon le décryptage de notre source au tribunal, la nature de cette peine reste désormais à déterminer, et de souligner que l’avocat général n’a pas demandé que Saad Lamjarred soit incarcéré suite au jugement. Ce qui entrainerait le passage du chanteur, s’il était condamné, devant un juge d’applications des peines pour en déterminer la durée et les modalités de son incarcération.