Scandale du «soutien» à l’importation de viandes rouges: le gouvernement réagit, mais occulte l’essentiel

Le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed El Bouari, et le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.

Suite au scandale financier engageant 13,3 milliards de dirhams au titre des subventions à l’importation de bétail, le ministère de l’Agriculture se fend d’un communiqué qui limite les dépenses à 437 millions de dirhams et qui ne mentionne que les aides à l’importation d’ovins destinés à Aïd Al-Adha au titre des années 2023 et 2024. Mais pour en apprendre davantage sur les milliards gaspillés sur l’importation de bovins et sur le manque à gagner en TVA et en droits de douane, il faudra repasser.

Le 03/04/2025 à 11h51

Alors que la polémique enfle sur les 13 milliards de dirhams évaporés au titre de subventions aux importations des viandes rouges, le gouvernement daigne enfin réagir. Le mercredi 2 avril, le ministère de l’Agriculture a publié un communiqué qui se voulait détaillé et explicatif, mais qui a surtout péché par son caractère tronqué. Et c’est peu dire. Une sortie tardive, étriquée, qui tente de justifier les subventions pour les ovins de l’Aïd, mais qui ne fait en réalité qu’esquiver le gros du troupeau en panique.

Ainsi donc, la tutelle limite les dépenses engagées à (seulement) 437 millions de dirhams. Un montant qui a servi à importer 875.000 têtes d’ovins (386.000 en 2023, 489.000 en 2024), dans le but de compenser le déficit enregistré sur le marché et juguler ainsi la flambée des prix à l’occasion des célébrations de Aïd Al-Adha au titre des deux années indiquées.

Techniquement, cette enveloppe a financé la subvention de 500 dirhams par tête instaurée par le gouvernement, mesure accompagnée de la tonte des droits de douane et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour le plus grand bonheur de 156 importateurs (61 en 2023, 95 en 2024). Selon le communiqué, cette opération, ouverte à tous les opérateurs répondant aux critères d’un arrêté conjoint avec le ministère de l’Économie et des Finances, visait à garantir l’approvisionnement pour l’Aïd, stabiliser les prix des viandes rouges et préserver un cheptel national ravagé par la sécheresse et l’inflation. Le tout, avec «un effet tangible», se félicite le département d’Ahmed El Bouari, qui doit au demeurant son poste à un certain Akhannouch. Sauf que, plutôt qu’une réponse sérieuse aux critiques, ce texte et ces chiffres sonnent comme une comptine destinée à les endormir.

Le communiqué se limite en effet au seul dispositif lié à Aïd Al-Adha, et occulte le fait que l’aide étatique va bien au-delà. Le scandale, comme le rappelaient notamment Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal et pourtant ministre du gouvernement Akhannouch, et Nabil Benabdallah, secrétaire général de Parti du progrès et du socialisme (PPS), l’une des rares voix audibles de l’opposition, ne se limite pas aux ovins de l’Aïd, mais englobe aussi les bovins.

Concernant les ovins, Nabil Benabdallah pointait d’ailleurs le montant de 237 millions de dirhams de subventions pour l’importation de 474.312 têtes en 2024, mais aussi, et surtout, plus 3,86 milliards de dirhams de droits de douane et 1,16 milliard de dirhams de TVA sacrifiés entre février 2023 et octobre 2024 au profit de 144 importateurs. S’agissant des bovins, il faut compter 7,3 milliards de dirhams sous forme d’exonérations de droits d’importation entre octobre 2022 et décembre 2024, pour l’importation de 120.000 têtes, et 744 millions de dirhams de TVA envolés entre février 2023 et octobre 2024, au profit de 133 importateurs.

Circulez, il n’y a rien à voir!

Des accusations face auxquelles le ministère de l’Agriculture réagit bien timidement. Même l’esquive est laconique: «La suspension des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée n’a eu aucune incidence financière sur le budget de l’État, en ce sens que l’application de ces droits au cours des années précédentes (200%) avait pour objet de protéger le cheptel national et n’a pas généré de recettes pour la trésorerie de l’État», lit-on encore dans le communiqué. Entendez donc que le manque à gagner accusé par l’État n’en est pas vraiment un. Ce sera tout, circulez, il n’y a rien à voir!

Les 437 millions de dirhams, puisés directement dans les poches des Marocains et accordés généreusement à une poignée d’importateurs, ont-ils servi à juguler la hausse des prix? La réponse est clairement négative. La politique du gouvernement Akhannouch en la matière est donc un échec manifeste, à ajouter à bien d’autres. Le silence sur le reste est, lui, coupable. Dans «le reste», citons les accusations d’opacité dans la gestion des subventions et la sélection des heureux importateurs qui en ont bénéficié. Le favoritisme voulant que dans le lot se trouvent de nombreux élus de la nation encartés au Rassemblement national des indépendants (RNI), parti dirigé par le Chef du gouvernement, qui se sont bien engraissés, on en parle? Quant à l’absence de résultats concrets et de réel impact sur les prix, l’exécutif préfère éhontément y voir une prouesse. Affaire à suivre.

Par Hajar Kharroubi
Le 03/04/2025 à 11h51

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L'excès de règlementations et de l'injections subventions de fonds publics sur les marchés sont des facteurs plutôt favorables au tensions inflationnistes sur les prix. La depense publique doit donc rester réduite pour une bonne tenue de la masse monétaire par les mécanismes de marchés Ecole de Chicago, Milton Friedman

La devise de ce gouvernement a depuis toujours été :"la caravane passe, les chiens aboient... mais la caravane passe quand même". Si ce gouvernement obtient un second mandat malgré la gronde populaire, ce n'est pas une caravane qu'ils ont, c'est un rouleau compresseur !!!! Mais comme dit l'adage, chaque nation a le gouvernement qu'il mérite.

On ne sait plus quoi chercher, la Cène, le graal ,Judas ou les 11 sujets présents au fameux dîner ( répartition de la tarte).....

Une enquête indépendante et vite !

La subvention publique de la "Table à manger" des Marocains est une erreur monumentale. Tout économiste qui se respecte vous dira qu'on ne subventionne jamais la consommation de masse non liée à une production nationale, surtout dans un pays en voie développement comme le Maroc . Ils ont voulu créer à tout prix cette classe moyenne rurale politicienne par le recours à la rente et aux dépens des deniers publics , en attendant le retour de l'ascenseur aux élections prochaines , mais ils ont récolté le scandale et l'indignation générale. Le politique et l'économique n'ont jamais fait bon ménage , et c'est pas au Maroc que ça va réussir. Demandez à Elon Musk il en sait quelques choses.

Comment 13 milliards se sont volatilisés On engraisse des importateurs sur le dos des consommateurs Marocains est une vérité pénible sans qu'il y a impact sur les prix on se demande comment on a pu arriver à cette réalité seulement pour assouvir la soif d'importateurs qui ont accumulé des richesses colossales avec des manœuvres douteuses quelques soient le nombre de ces sangsues la loi doit les entendre et les punir vigoureusement

Les finances de l'état sont devenus un casino ou les mieux placés se servent sans aucune crainte...bravo

Je demande une seule réponse (loin du montant gastronomique), puisque le but était de baisser les prix, pourquoi le résultat est totalement un échec ???????

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