C’est une découverte archéologique, qualifiée de majeure, menée par une équipe internationale d’archéologues de l’Université de Cambridge, de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine au Maroc et du Conseil national de la recherche en Italie.
L’étude, publiée dans la revue scientifique britannique Antiquity, révèle l’existence sur le site d’Oued Beht, sur le plateau vallonné de Zemmour, d’un complexe agricole de production et de stockage de denrées, étalé sur une superficie de 9 à 10 hectares, comparable à celle de la ville de Troie à son apogée au début de l’âge du bronze, témoignant d’une société agricole complexe et d’une organisation avancée, datant d’environ 3.000 ans avant notre ère.
La découverte de ce qui est désigné comme étant le plus ancien et le plus vaste complexe de ce genre en Afrique, en dehors de ceux précédemment identifiés dans la vallée du Nil, vient bousculer quelques certitudes et offrir un nouveau regard sur la préhistoire africaine et méditerranéenne, de même que sur les interactions entre le Nord-Ouest africain et la Péninsule ibère.
Non seulement la chronologie des échanges entre le Nord-Ouest africain et la Méditerranée occidentale s’en trouve révisée, pour être renvoyée à une date bien plus lointaine que celle préalablement estimée, mais c’est le rôle du Maghreb, représenté ici par le Maroc, qui est mis en avant dans l’émergence de sociétés complexes méditerranéennes et africaines et dans les réseaux commerciaux et culturels de la période néolithique finale.
Les résultats de l’étude offrent ainsi une plus grande visibilité à cette partie du monde pendant cette période de la préhistoire tardive jusque-là mal connue, non par manque d’activité préhistorique, mais surtout par déficit d’investigation, tout en réfutant par la même occasion les théories européocentristes relatives à l’émergence des civilisations méditerranéennes.
L’article de la revue Antiquity conclut, à ce propos, que «l’Afrique a longtemps enduré une expérience coloniale d’explication exogène pour des développements locaux supposés sans précédent. Dans ce cas, les dates relativement précoces qui émergent d’Oued Beht donnent à réfléchir; il s’avère finalement impossible d’expliquer entièrement les développements de l’âge du cuivre ibérique –notamment le renforcement des preuves de l’engagement dans des réseaux d’échange lointains de la Méditerranée occidentale– sans tenir compte de l’action contemporaine du nord-ouest de l’Afrique».
«Il est étonnant de voir encore galvauder par-ci, par-là, des théories dépassées et idéologiquement biaisées, se rapportant aux origines des populations autochtones du Maroc.»
Ce n’est pas la première fois que le Maroc s’illustre par ses trouvailles archéologiques spectaculaires, dont celle qui bouleverse l’histoire de l’Homo sapiens, ouvre de nouvelles perspectives sur nos origines et marque un nouveau jalon dans l’Histoire humaine.
Il s’agit de la datation de fossiles humains qui représentent les plus anciennes traces de notre espèce selon les travaux d’une équipe pluridisciplinaire, dirigée par les professeurs Jean-Jacques Hublin et Abdelouahed Ben-Ncer au site de Jbel Ighoud, devenu le nouveau «berceau de l’humanité». Et pour cause! C’est là que vivaient, il y a environ 315.000 ans, les plus anciens Homo sapiens, soit 100.000 ans de plus que les découvertes les plus anciennes faites en Éthiopie.
En 2021, c’étaient des bijoux, vieux de 142.000 à 150.000 ans, mis au jour par une équipe internationale de vingt-six chercheurs, dans la région d’Essaouira, précisément dans la grotte de Bizmoune au Jbel Hadid. Ces parures préhistoriques, composées de trente-deux coquilles d’un gastéropode marin, façonnées, perforées et peintes en ocre rouge, interprétées comme l’expression de l’identité sociale et culturelle des porteurs, sont décrites comme étant les plus anciens bijoux jamais découverts dans le monde.
Quelques jours auparavant, la revue américaine Science révélait le résultat d’une étude effectuée dans le cadre d’un programme archéologique conjoint maroco-américain sous l’égide de l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine du Maroc.
Soixante-deux outils en os d’animaux, «intentionnellement façonnés pour des tâches spécifiques qui comprenaient le travail du cuir et de la fourrure», avaient été découverts près de Témara, dans la Grotte des contrebandiers. Datant d’environ 120.000 ans, ils fournissent de manière indirecte la preuve de l’existence en ces lieux des premiers vêtements fabriqués par l’homme, consignés en ce sens dans les archives archéologiques, induisant par la même occasion la facilité de déplacement et d’expansion de l’Homo sapiens dans les habitats froids.
En somme, de la présence physique aux outils et traditions technologiques, en passant par les échanges, l’expression symbolique, l’ornementation personnelle, le raffinement esthétique… l’enracinement est manifeste.
Avec tout cela, il est étonnant de voir encore galvauder par-ci, par-là, des théories dépassées et idéologiquement biaisées, se rapportant aux origines des populations autochtones du Maroc que certains s’acharnent à faire remonter au Yémen ou au Pays de Cham, en passant par l’Egypte et par l’Éthiopie. Quand nous ne sommes pas en face de postulats déniant toute trace de civilisation agraire et urbaine si elle n’est pas issue d’Orient ou d’Occident.
Si les anciennes migrations humaines sont indéniables, ainsi que les connexions lointaines entre groupes humains, il est incohérent de continuer à croire à un quelconque mouvement de peuplement originel venu d’ailleurs. Comme il est impératif d’introduire dans les manuels scolaires les résultats de toutes ces recherches, parues dans de prestigieuses revues scientifiques mondiales, dans le sens d’une approche méthodique de l’histoire, fondée sur ces fascinantes «archives du sous-sol».