Baisse de 46% des importations marocaines d’armes: Les explications de l’analyste militaire Abdelhamid Harifi

Exercices des FAR dans les provinces du Sud.

Les importations d’armes par le Maroc et l’Algérie ont fortement régressé pendant la période allant de 2019 à 2023, accusant un repli inédit de 46% pour le Royaume, et de 77% pour son voisin de l’Est, indique le dernier rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Abdelhamid Harifi, analyste militaire et administrateur du forum FAR-Maroc, décrypte les raisons de cette décrue.

Le 15/03/2024 à 15h00

L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Stockholm International Peace Research Institut, SIPRI), organisme indépendant dédié à la recherche sur les conflits, les armements, le contrôle des armements et le désarmement, vient de rendre public son rapport sur l’évolution des importations et exportations d’armes dans le monde. Sa synthèse d’une douzaine de pages relève une chute de 52% entre 2014-18 et 2019-23 des importations d’armes majeures par les États africains. Cette forte diminution est due principalement aux baisses des importations d’armes des deux plus grands importateurs de la région, l’Algérie (-77%) et le Maroc (-46%), souligne l’institut, notant que le Maroc est actuellement le 29ème importateur mondial d’armes, tandis que l’Algérie se classe à la 21ème position.

Plusieurs facteurs entrent en jeu

Joint par Le360, l’expert en défense et affaires militaires Abdelhamid Harifi explique que la baisse constatée se justifie par plusieurs facteurs, à la tête desquels se trouvent «La crise Covid qui a poussé à revoir l’ordre des priorités pour plusieurs pays dont le Maroc», ainsi que «l’absence de contrats majeurs réalisables rapidement».

Il faut savoir, poursuit-il, «qu’il y a un délai entre la date de signature du contrat et la date de livraison qui peut aller jusqu’à 6 ans parfois. Durant cette période, on mobilise des fonds pour financer la fabrication, mais SIPRI ne va comptabiliser l’achat qu’après réception».

Il faut, en outre, prendre en compte «l’annulation de plusieurs achats pour absence de compromis sur le financement ou d’accord sur l’état du matériel à acheter qui a poussé par exemple le Maroc à revoir sa doctrine défensive en optant pour des solutions moins chères, plus efficaces et qui peuvent être introduites en service actif rapidement comme les drones, les systèmes de lance-roquettes multiples de longue portée ou encore des armes qui ont aussi une portée dissuasive importante».

Les achats d’armes «ont un caractère cyclique pour des pays comme le Maroc, dont les ressources financières sont limitées et c’est tout à fait normal qu’il y ait des baisses périodiques avec la fin des périodes des prêts et le lancement des nouveaux programmes d’achats selon les disponibilités et les convenances financières du pays», souligne-t-il.

Pour l’Algérie, «la crise économique et la baisse des réserves de changes sont les principales raisons de cette baisse durant cette période», constate Harifi, rappelant dans la même lignée que «la Russie a refusé à maintes reprises la livraison d’armes spécifiques demandées par les Algériens comme les S400 ou les Su34». Ainsi, et dans ce contexte de la guerre en Ukraine, «l’Algérie se trouve privée de son principal fournisseur d’armes», constate l’analyste.

Hausse de 94% en Europe

Le SIPRI enregistre par ailleurs une tout autre évolution de l’autre côté de la Méditerranée. En effet, les importations d’armes majeures par les États européens ont augmenté de 94% entre 2014-18 et 2019-23, tandis que le volume global des transferts internationaux d’armes a légèrement diminué de 3,3%. Dans la même veine, le plus grand importateur en Europe est l’Ukraine, qui a reçu 23% des importations totales d’armes de la région en 2019-23. Le pays est devenu le quatrième importateur mondial d’armes après avoir reçu des transferts d’armes majeures de plus de 30 États en 2022-23.

L’institut fondé en 1966, spécialisé en polémologie, a également identifié 170 États comme importateurs d’armes majeures en 2019-23. «Les cinq premiers importateurs d’armes -l’Inde, l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Ukraine et le Pakistan- ont reçu 35% de toutes les importations d’armes au cours de cette période. Les États d’Asie et d’Océanie ont représenté 37% de toutes les importations d’armes en 2019-23, suivis par les États du Moyen-Orient (30%), l’Europe (21%), les Amériques (5,7%) et l’Afrique (4,3%)», détaillent les auteurs du rapport.

Les exportations d’armes des États-Unis, premier fournisseur d’armes au monde, ont augmenté de 17% entre 2014-18 et 2019-23, relate-t-on, ajoutant que celles de la Russie ont chuté de plus de la moitié (-53%). Les exportations d’armes françaises ont, quant à elle, augmenté de 47% et la France est passée juste devant la Russie pour devenir le deuxième fournisseur d’armes au monde.

Par Saad Bouzrou
Le 15/03/2024 à 15h00