Droits de douane de Trump: un moindre mal pour le Maroc… et pas mal d’incertitudes

Donald Trump brandit, le 2 avril 2025, un tableau affichant les droits de douane que les États-Unis appliqueront aux produits importés de différents pays dans le monde. AFP or licensors

L’offensive douanière de Donald Trump a plongé l’économie mondiale dans l’incertitude. Si le Maroc, qui a écopé d’une ponction minimale de 10%, est moins pénalisé que ses voisins du Maghreb et d’Europe, les nouvelles taxes américaines pourraient surtout affecter, à moyen et long terme, certains secteurs générateurs d’investissements directs étrangers. Le point avec les économistes Abdelghani Youmni et Ahmed Azirar, ainsi qu’avec Hakim Marrakchi et Adil Douiri, deux chefs d’entreprise opérant sur le marché américain.

Le 04/04/2025 à 11h02

Jusqu’à tout récemment, on pensait que le Maroc était à l’abri de l’offensive douanière de Donald Trump et que les nouvelles mesures protectionnistes de son administration viseraient surtout les pays avec lesquels les États-Unis accusent un important déficit commercial. Hélas, il n’en était rien. Le Maroc figure bien sur la liste des pays auxquels Trump a imposé des droits de douane plancher de 10%. Ceux-ci entreront en vigueur le samedi 5 avril à 04H01 GMT.

Quelques jours plus tard, le 9 avril à la même heure, des dizaines de pays seront visés par des surtaxes sur mesure: 34% pour la Chine, 20% pour l’Union européenne, 30% pour l’Algérie et 28% pour la Tunisie. La Jordanie, seul autre pays arabe lié par un Accord de libre-échange (ALE) avec les États-Unis, a été quant à elle taxée à hauteur de 20%.

Fondées sur les calculs des équipes gouvernementales américaines, ces surtaxes sont censées répondre aussi aux barrières dites «non tarifaires». Pour le cas du Maroc, parmi les «entraves au commerce» signalées dans le document officiel du bureau du représentant au Commerce des États-Unis (USTR), on peut citer la norme antipollution euro 6B «limitant l’importation de nombreux véhicules américains», des normes sanitaires qui «imposent des restrictions sur les aliments pour animaux d’origine non animale», la contrefaçon et le piratage numérique. L’administration Trump évoque également des «difficultés liées à des procédures administratives complexes et à des restrictions sur les paiements anticipés à l’importation». Cumulées, ces «barrières non tarifaires» ont joué en faveur de l’instauration de droits de douane de l’ordre de 10%, en lieu et place d’une exonération totale que stipule l’ALE liant le Maroc aux États-Unis.

«Cette imposition est une demi-surprise. Depuis l’investiture de Trump, l’administration américaine a annoncé à plusieurs reprises son intention d’établir des droits de douane généralisés sur toutes les importations», rappelle Hakim Marrakchi, président de la commission fiscalité et douane de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), également président du conseil d’affaires Maroc-États-Unis. «Jusqu’à la dernière minute, nous espérions que l’ALE prévaudrait et que les produits marocains ne seraient soumis à aucune taxation à l’entrée», regrette-t-il.

Depuis l’entrée en vigueur de l’ALE Maroc-États-Unis, en janvier 2006, la balance commerciale entre les deux pays a toujours penché en faveur de Washington. Même si le volume des échanges a plus que quadruplé, atteignant, d’après les chiffres de l’Office des changes, 73 milliards de dirhams en 2023, le solde commercial, déficitaire côté marocain, a considérablement augmenté, culminant à 47 milliards de dirhams. «Seulement 3% des exportations marocaines prennent la destination des États-Unis. Le Maroc exporte des engrais, du textile, des semi-conducteurs, des agrumes et du poisson, entre autres», détaille l’économiste Abdelghani Youmni. Selon lui, l’effet de la nouvelle taxe sur les exportations sera minime au regard du dollar, «qui s’apprécie chaque année de 10 à 15% par rapport au dirham».

En revanche, notre interlocuteur n’exclut pas l’apparition d’externalités négatives liées à l’Union européenne, premier partenaire commercial du Maroc. «Si l’Europe est frappée par la récession ou l’inflation, le Maroc pourrait à son tour être touché par une inflation passagère, voire une baisse des investissements directs étrangers (IDE), car Trump cherche aussi à attirer plus d’investissements dans son pays afin de créer des emplois et faire reculer le chômage», analyse-t-il.

Léger avantage compétitif

De son côté, Ahmed Azirar, économiste et chercheur au Cercle de l’économie d’entreprise du Maroc (CEREM), estime qu’a priori, le tarif de 10% devrait renchérir les produits marocains et les rendre moins compétitifs. «Toutefois, pour mieux cerner l’impact de cette mesure, il faut également tenir compte des taux imposés aux pays concurrents», nuance-t-il.

«À titre d’exemple, les produits européens vont écoper de droits de douane de 20%. En termes de quantités exportées, le Maroc est derrière l’UE pour de nombreux produits agricoles. Dès le 5 avril, nous pourrons devenir compétitifs sur ces produits, sauf si les exportateurs européens réagissent en réduisant leurs marges ou leurs coûts. Sachant qu’ils ont toujours l’avantage du volume», explique l’économiste.

Et d’ajouter: «L’analyse doit se faire comparativement à nos concurrents sur toute la chaîne des prix, autant sur les produits que nous exportons déjà que sur les nouveaux produits que nous pourrons désormais exporter grâce au différentiel des droits de douane avec les pays qui subiront des taux plus élevés que le Maroc».

Une hausse de prix inévitable

Hakim Marrakchi abonde dans le même sens, estimant que, vu sous cet angle, le Maroc est logé à meilleure enseigne que de nombreux autres pays. «Hormis certains pays arabes et la Turquie, les produits marocains sont généralement moins taxés que les produits européens, chinois ou tunisiens. Ce qui leur confère un avantage compétitif», ajoute le président de la commission fiscalité et douane de la CGEM. Il précise au passage que les «droits réciproques» annoncés le mercredi 2 avril correspondent à des taxes ad valorem qui s’additionneront aux droits de douane déjà existants.

Ainsi, pour la Chine, l’addition est la plus salée: les 34% nouvellement instaurés viennent s’ajouter aux 20% mis en place depuis l’investiture de Donald Trump, pour donner un astronomique droit de 54%. Le même cumul atteint 33% pour la Tunisie (28%+5%), 35% pour l’Algérie (30%+5%) et 25% pour l’UE (20%+5%).

En revanche, les produits marocains sont moins favorisés que les marchandises d’origine canadienne et mexicaine. Couverts par un accord de libre-échange (ACEUM), ces deux pays sont soumis à un régime spécifique et ont, pour le moment, échappé aux nouvelles taxes américaines.

Hakim Marrakchi évoque également l’impact que cette mesure pourrait avoir sur les clients américains des entreprises marocaines, qui «vont demander à la partie marocaine soit de baisser ses prix, soit d’assumer la hausse des droits de douane». «Les entreprises marocaines qui ont signé des contrats à prix fixes, notamment celles qui considèrent l’ALE comme étant non dénonçable, vont se retrouver dans l’obligation de supporter cette hausse pendant un certain temps, jusqu’à l’ouverture de nouvelles négociations», note-t-il.

«Nous n’avons d’autre choix que de répercuter la hausse des droits de douane. Nous serons obligés d’augmenter nos prix de 5 à 7%.»

—  Adil Douiri, président du groupe Mutandis.

D’autres entreprises ne tarderont pas à réajuster leurs prix pour s’adapter à la nouvelle donne. C’est le cas du groupe Mutandis, propriétaire de la marque Season, numéro 1 de la vente de conserves de sardines «premium» aux États-Unis, avec un chiffre d’affaires annuel frôlant les 700 millions de dirhams. Sur le marché américain, Season détient 25% de parts de marché de la conserve de sardine et 50% de parts de marché des filets de sardine sans peau et sans arêtes. «Nous n’avons d’autre choix que de répercuter la hausse des droits de douane sur le consommateur. Nous sommes obligés d’augmenter nos prix de vente de 5 à 7%», nous confie Adil Douiri, président du groupe. Mais avant de prendre une telle décision, Mutandis «devra d’abord se mettre d’accord avec les grandes chaînes de supermarchés américaines comme Walmart, Costco, Wholesale Club, Albertsons, Kroger, etc.».

Pour autant, le patron de Mutandis exclut tout risque de perte de compétitivité en lien avec la décision de Donald Trump. «Dans notre catégorie, les produits concurrents sont fabriqués en Thaïlande (frappée d’une surtaxe de 36%, NDLR), en Europe (20%) et au Maroc (10%). Par rapport à nos concurrents sur le marché américain, la répercussion de la hausse des droits de douane sur nos prix sera moins importante. Si nous parvenons à augmenter notre prix de vente de 5 à 7%, nous aurons zéro impact sur nos résultats», rassure-t-il.

Des zones d’ombre persistantes

Vu le caractère inédit de son offensive, Trump semble décidé à bouleverser l’ordre économique mondial. «L’inflation que cette décision va causer aux États-Unis et la réaction qui s’en suivra de la part des consommateurs américains, sont à surveiller de près. La réaction des puissances mondiales se précise d’ores et déjà, avec le rapprochement annoncé entre la Chine, la Corée et le Japon», admet Ahmed Azirar.

Pour Hakim Marrakchi, à moyen et long terme, le problème est beaucoup plus grave que les 10% imposés aux exportations marocaines. «C’est de la folie! Le monde rentre dans une spirale qui fait peur plus que les mesures annoncées mercredi. Il est évident que si les États-Unis continuent sur cette politique isolationniste, cela va impacter tout le commerce mondial. Les conséquences seront dévastatrices. Les Américains ne vont pas accepter que leur pays s’appauvrisse et vont exiger de leurs partenaires commerciaux des dispositions qui leur sont défavorables».

Le président du conseil d’affaires Maroc-USA va jusqu’à évoquer un scénario remettant en question les accords signés par le Maroc avec des industriels étrangers qui espéraient bénéficier de l’ALE. «Une forme d’incertitude s’est créée et elle constituera un frein pour l’investissement. Celui qui investit aujourd’hui prend forcément des risques», dit-il.

Batteries, automobile, engrais…

Interrogé notamment sur l’évolution du positionnement du Royaume sur l’écosystème des batteries pour véhicules électriques, Hakim Marrakchi rappelle que le marché américain ne représente que 15% à 20% de la consommation mondiale. «On va commercer davantage avec le reste du monde. Il y a de nouvelles opportunités qui peuvent apparaître».

Globalement, tous secteurs confondus, «c’est un moindre mal pour les entreprises marocaines par rapport à de nombreux pays concurrents. Dans cette partie du monde, que ce soit en Tunisie ou en Europe, les opérateurs sont nettement plus taxés que nous», tempère-t-il. Toutefois, de nombreuses zones d’ombres demeurent, notamment concernant le secteur des composants automobiles, surtout après la nouvelle taxe américaine généralisée de 25% sur les importations de véhicules.

Il y a lieu de regarder également de près l’évolution des exportations d’engrais marocains vers les États-Unis. Déjà pénalisé par un droit compensateur de 16%, dans le cadre du litige qui l’oppose à son concurrent américain Mosaïc, le groupe OCP va désormais subir un droit supplémentaire de 10% et, en même temps, relever le défi de préserver la compétitivité de ses engrais auprès des agriculteurs américains. Le Maroc a tout intérêt à ce qu’il réussisse à le faire. Car quand le géant des phosphates éternue, c’est toute l’économie nationale qui s’enrhume.

Par Wadie El Mouden
Le 04/04/2025 à 11h02

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

Il serait bénéfique pour le Maroc et souhaitable de rejoindre sans réservz , sans trainer les pieds mais avec une motivation enthousiaste pour rejoindre notre allié le plus fiable : les Etats Unis., C' est le joindre le camp de l'économien gagnant dans la guerre commerciale frontale contre UE ocde et la Chine. Question de logique économique, il y aura 2 vainqeurs les Etats Unis et le Japon : il suffit de regarder l'évolution en cours de leurs taux à 2 ans sur leurs bon du trésor et obligations d'Etat il n 'y a pas photo : Germany et China sont les grands perdant selon l'anticipation Il n' y a pas besoin d'être grand mathématicien pour comprendre que la marche vers 2,5% de rendement du bon du trésor est assurée. Pour qu'il refinance 8 trillions et ait un bugdet fédéral sympa ...

la cherté de la vie va etre supportée par le maroqain mieux que par l amérikain

On éxporte vraiment pas grand chose vers les Etats Unies, 10% c'est un minimum.

Trump a broyé les réseaux des Chennaqa internationaux. Ces vermines réalisent des profits énormes au détriment des consommateurs internationaux. Leurs méthodes mafieuses ressemblent à celles des Chennaqa des poisons et légumes au Maroc. Nos agrumes au lieu d’être vendus directement dans les marchés Américains, les Chennaqa les font transiter par le Canada, profitant des accords entre le Maroc et le Canada et des accords de libres échanges entre le Canada et les USA. Des américains, suédois, français, israéliens, … font fabriquer des objets au Vietnam, Bangladesh, Maroc etc… à des prix dérisoires et ils les vendent dans les marchés des pays développés, en particulier aux USA, à des prix exorbitants.

Suite La politique Offshore exploite les populations locales des pays du tiers monde et se cache derrière des traités de libres échanges tout en profitant des porosités des taxes douanières pour réaliser des bénéfices colossaux. Akhenouch doit s’inspirer de Trump et il doit imposer des prix fixes aux poissons et légumes sortant des marchés des gros. Les prix doivent être fixés en fonction des distances entre les marchés des gros et les détaillants. La quote d’amour n’existe pas dans le capitalisme. Le capitaliste ne connait ni Dieu ni patrie. Sa devise s’appelle le profit.

Donc malgré l'accord de libre échange liant les USA et le Maroc, il y a cette taxation à 10% (et même 26% pour l'OCP !). Trump ne respecte rien, ni personne. C'est un bouffon qui a affiché des pourcentages qui ne reposent sur rien et que personne n'a compris. Et dire que beaucoup de marocains admirent ce type qui est en train de destructurer le commerce international ! Mais il est très probable qu'il y ait un effet boomerang qui va affaiblir l'économie américaine. Ces taxes ont imposées pour réindustrialiser l'économie américaine selon cette administration. Mais pourquoi taxer fortement un produit comme le café qui n'est pas produit aux USA ??? De ce fait, les Américains vont le payer plus cher. Et les œufs qui manquent cruellement en ce moment aux USA vont être taxés de la même manière ?

On trouve normal d’appliquer aux produits importés des Etats Unis des droits de douane sans aucune commune mesure avec ceux que les Américains appliquent à nos exportations vers les States .Et ,quand Trump réduit ce déséquilibre, un tant soit peu, toute la planète crie au scandale ! Pourtant, il s’est montré modéré (une fois n’est pas coutume) car, il aurait pu exiger une stricte équivalence entre les taux américains et ceux des partenaires ! J’ai entendu le Président Macron s’inquiéter de l’impact de cette mesure de Trump sur le pouvoir d’achat des Américains . Il a raison ! Château Margaux, Domaine de la Romanée-Conti et Krug ,entre autres,seront hors de prix 😇😇

Je croix que Trump va faire marche arrière mais en tout qu'à le Maroc ne doit pas avoir peur les entreprises mondiale viendront investirent au Maroc le coût de la mindeuvre et moin cher et le taux de douane et de 10% c'est fait exprès par Trump pour une reconnaissance et une amitié entre le Maroc et l'Amérique

Face au risque devancer en prenant des initiatives constructives et amicales envers notre allié le plus SÛR. Pour lever en partie les incertitudes il faut peut être songer a lever les barrières non tarifaires ( eur0 5 euro 6 etc ) du marché automobile. Et dérèglementer l'importation du camion et de l'automobile made in USA. L'administration Trump verrait d'un bon oeil la levée des barrières à l'entrée l"ouverture du marché marocain auproduits américain. Car UE-ocde n'est pas en odeur de sainteté

On aurait dû, en premier, demander l’avis de l’OCP sur l’augmentation des droits de douane imposées par l’administration Trump! Les sardines de Douiri & Co comptent pour peu devant les exportations du fleuron national des fertilisants. En effet, l’OCP est beaucoup plus exposé à cette décision. Il faut se rappeler qu’au mois de novembre dernier, sous l’administration Biden, l’OCP s’était vu imposer une augmentation des droits de douane sur les engrais exportés aux États Unis. Ils avaient atteint 16,81%. Une mesure purement protectionniste, prise par l’ancienne administration, dans le but de favoriser ses concurrents américains dans le marché américain des fertilisants. Quant aux sardines de Douiri & Co, elles étaient déjà très profitables grâce au monopole de Mutandis sur ce secteur!

Au contraire c'est une opportunité énorme pour le Maroc, notamment en attirant un maximum d'entreprises et industriels européens, chinois, coréens, japonais, australiens, canadiens afin de produire au Maroc et d'exporter aux Usa, mais également attirer un maximum d'entreprises et industriels américains pour delocaliser leurs usines pour vendre sur le marché européens et international car les produits américains seront taxés à plus de 34 % vient d'annoncer la CHINE !

Les exportations européenne vers les USA ne s’adresse q’aux classes aisées. Les champagnes, les cognacs, les vins et les fromages sont leurs derniers soucis. Souvent, ils confondent vins mousseux et champagne. Quant aux exportations américaines vers l’´union Européenne, elles sont en majorité des technologies de pointes que le monde ne peut s’en passer de les acquérir. Les Chennaqa internationaux doivent haïr Donald Trump.

0/800