Algérie: désavoué par Washington, le régime d’Alger courbe l’échine

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, recevant l'ambassadrice des Etats-Unis, Elizabeth Moore Aubin, à Alger le 23 décembre 2024.

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, recevant l'ambassadrice des Etats-Unis, Elizabeth Moore Aubin, à Alger le 23 décembre 2024.

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a reçu Elizabeth Aubin Moore, l’ambassadrice américaine à Alger, avec tous les égards. Alors que les observateurs s’attendaient à un accueil glacial de la part des Algériens après la publication du rapport américain sur le terrorisme en 2023, les Affaires étrangères algériennes ont évoqué une rencontre pour faire «la lumière sur l’avancée de projets de partenariat bilatéral dans le domaine économique».

Le 24/12/2024 à 11h31

Moins d’une semaine après la convocation de l’ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, au ministère algérien des Affaires étrangères pour répondre d’une accusation «fantaisiste», selon le chef de la diplomatie française, d’actes terroristes que la France projetait pour «déstabiliser l’Algérie», voilà qu’une autre affaire de terrorisme secoue le régime algérien. Pris la main dans le sac, ce dernier a déroulé le tapis rouge à l’ambassadrice américaine à Alger, Elizabeth Aubin Moore, lundi, au ministère des Affaires étrangères algérien.

De quoi s’agit-il au juste? En milieu de semaine dernière, le département d’Etat américain a rendu public son rapport annuel sur le terrorisme à travers le monde pour l’année 2023. Les conclusions sont accablantes pour le régime algérien: il y est accusé d’instrumentaliser le terrorisme à des fins politiques. Selon le département d’Etat américain, la liste des organisations terroristes établie par les autorités algériennes est un véritable fourre-tout. En effet, deux mouvements pacifiques algériens, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) et le mouvement islamiste Rachad, classés «terroristes» par le régime algérien depuis 2021, ne le sont pas aux yeux des Américains, car ils n’ont jamais commis le moindre acte violent, ni en Algérie, ni ailleurs.

Ainsi, lit-on dans ce rapport, «en 2023, l’Algérie a maintenu la désignation de terroristes nationaux contre le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie et le mouvement islamiste Rachad. Les États-Unis considèrent que la focalisation de l’Algérie sur ces groupes est plus politique que sécuritaire, car aucun des deux ne semble avoir commis ce que les États-Unis définissent comme des actes terroristes». En clair, les Américains démentent formellement l’implication du MAK et du Rachad dans les incendies de l’été 2021 et l’assassinat de Djamel Bensmail. Le MAK n’a rien à voir non plus avec les accusations selon lesquelles il aurait convoyé des armes en vue de mener des opérations terroristes en Algérie et saboter la présidentielle du 7 septembre dernier en août dernier.

Pour rappel, c’est à l’issue d’une démonstration de force du MAK, le 18 avril 2021, lors d’un grand rassemblement organisé par ses militants et sympathisants à Paris, que le régime algérien a décidé, le 18 mai suivant, de classer le MAK et le mouvement islamiste Rachad comme terroristes. Des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre leurs principaux dirigeants, mais aussi contre de nombreux autres opposants exilés en Europe, accusés dans la foulée d’appartenir à ces deux mouvements.

Un peu plus tard, le 18 août 2021, le HCS avait accusé le MAK et Rachad d’avoir, avec la complicité «de l’entité sioniste et du Maroc», fomenté les incendies de forêt qui ont ravagé la Kabylie et fait des centaines de morts. Le MAK et Rachad ont même été accusés d’être derrière l’assassinat de Djamal Bensmail, livré en pâture à la foule en colère par les agents du régime algérien, pour être lynché à mort et brûlé vif, après une fausse accusation de pyromanie. Aujourd’hui, le rapport du département d’Etat américain sur le terrorisme établit que ces accusations sont infondées, et que ces derniers sont en réalité des mouvements d’opposition pacifiques, ciblés pour des raisons politiques par le régime algérien.

Le rapport américain anéantit l’édifice sur lequel le régime algérien a bâti la propagande qui lui permet de justifier son maintien illégitime à travers une politique des plus répressives. L’arsenal juridique mis en place par le régime pour atteinte à la liberté d’expression a également été pointé du doigt par le département américain. Sans citer directement le nouveau Code pénal algérien, récemment adopté et devenu le plus répressif du monde en son genre, le rapport fustige le nouvel article 87 bis, qui permet de qualifier de «terroriste» tout acte d’opposition au régime.

En référence à cet article, le rapport américain écrit: «Des observateurs locaux et internationaux, dont l’ONU, ont affirmé que les autorités avaient utilisé les lois antiterroristes et les lois restrictives sur la liberté d’expression et de réunion publique pour arrêter des militants politiques et tous ceux qui critiquent le gouvernement». Après la publication de ce rapport, le régime algérien, qui n’a pas osé rappeler son ambassadeur à Washington après la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara en 2020, alors qu’il l’a fait avec l’Espagne en 2022 et la France en 2024, n’a pas non plus convoqué l’ambassadrice américaine à Alger pour protester.

L’ambassadrice Elizabeth Aubin Moore, qui a affirmé, en juillet dernier, que la reconnaissance par son pays de la marocanité du Sahara est «un événement historique» et une décision «définitive», a été au contraire accueillie à bras ouverts, lundi 23 décembre, au ministère algérien des Affaires étrangères.

Selon un communiqué officiel de ce ministère, «cette rencontre a permis de passer en revue divers aspects des relations algéro-américaines et de mettre en lumière les progrès réalisés dans la mise en œuvre de nombre de projets de partenariat bilatéral dans les domaines économiques». Aucune allusion à l’humiliation que les Américains viennent d’infliger au régime algérien.


Par Mohammed Ould Boah
Le 24/12/2024 à 11h31