L’agence de presse algérienne, APS, a publié, samedi, une «dépêche» dans laquelle elle annonce que «l’Algérie a sollicité des éclaircissements sur les réactions des pays de l’Union européenne à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)» du vendredi 4 octobre courant. L’agence ne précise pas quand cette convocation collective a eu lieu. Elle reste également muette sur l’identité des ambassadeurs, et donc des pays convoqués au ministère des Affaires étrangères algérien. On ne sait pas non plus si c’est Ahmed Attaf qui s’est chargé, en personne, d’admonester tout ce beau monde ou si cette mission a été confiée à d’autres responsables relevant directement, ou indirectement, de son département.
Ce qui est certain, c’est que dès les premières lignes de la dépêche de l’APS annonçant cette bizarrerie, pour ne pas dire monstruosité, on comprend que la décision de la CJUE n’a pas eu les effets escomptés par le régime d’Alger, car contrairement à ce qu’il attendait, elle a immédiatement induit une solidarité européenne avec le Maroc, ouvertement exprimée par les hauts responsables de l’UE et par les pays les plus importants de cet ensemble.
En lieu et place d’un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères, ou même du cabinet de la présidence algérienne, c’est «une source bien informée au ministère des Affaires étrangères» qui a indiqué à l’APS «que les ambassadeurs de ces Etats européens, dont les noms n’ont pas été précisés, ont tous été reçus au siège du ministère, où il leur a été demandé de fournir des explications sur les communiqués émis par leur pays».
Pour rappel, les communiqués et les déclarations des pays et des hauts responsables européens, comme celles de la présidente de la commission de l’Union européenne (UE), du président du conseil de l’UE et du chef de la diplomatie européenne, ont largement minimisé l’impact de la décision de la CJUE sur le partenariat stratégique entre l’UE et le Maroc.
Cela n’a pas empêché le régime algérien de déclarer, via son porte-voix officiel de propagande, que «pour la plupart d’entre eux», les ambassadeurs convoqués ont renié la position officielle des pays qu’ils représentent en affirmant que les communiqués émanant de pays européens incriminés par la junte algérienne «ne signifiaient nullement leur opposition aux décisions de la Cour ou leur volonté de ne pas en tenir compte à l’avenir, comme veut le faire croire le Makhzen marocain, insistant sur le fait que leurs pays sont des Etats de droit et qu’ils respecteront les décisions de la Cour européenne».
Lire aussi : La Cour de Justice de l’UE: quand la créature échappe à son créateur
En mettant dans la bouche d’ambassadeurs «anonymes» des déclarations imaginaires, le régime algérien a donné toute la mesure de son isolement diplomatique, qu’il tente, à travers des mensonges, de cacher à son opinion publique qui lui est totalement réfractaire. Sinon comment expliquer, ou croire un seul instant que, comme l’écrit l’APS, «certains de ces ambassadeurs ont même affiché leur étonnement à la lecture du contenu du communiqué de la Commission européenne, un communiqué qui a fait prévaloir le principe du «pacta sunt servanda» sur les jugements prononcés par la plus haute instance judiciaire européenne».
Depuis quand un ambassadeur prend-il le contrepied de la politique de son pays? Il faut croire que le régime d’Alger touche le fond. On ose à peine imaginer la stupeur et l’incrédulité des ambassadeurs accrédités à Alger devant cette hérésie.
Cette monstrueuse convocation collective aurait pu être épargnée si le régime d’Alger respectait un tant soit peu les us diplomatiques en convoquant l’ambassadeur de l’UE à Alger.
Cette nouvelle énormité diplomatique confirme ce que le vice-Premier ministre et ministre d’Etat malien Abdoulaye Maïga vient d’affirmer à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU où il a qualifié Ahmed Attaf et d’autres diplomates algériens d’«énergumènes diplomatiques». Le qualificatif d’énergumène est presqu’un euphémisme, serait-on tenté de préciser.
Lire aussi : Giflé par le Mali à la tribune de l’ONU, le régime d’Alger se fait tout petit
Cette convocation collective est une première dans les annales diplomatiques. Cette monstruosité, qui sera sans doute préjudiciable pour le régime d’Alger, donne toutefois un éclairage très intéressant. Le «Système» qui tenait l’Algérie n’a plus la main sur les décisions stratégiques impliquant le pouvoir. Nous assistons au spectacle consternant d’un pays sans tête qui agit à coups de décisions épidermiques. Ce qui évoque un navire dont le gouvernail est tenu par un capitaine ivre, définitivement incapable d’assurer un cap.