J’ai toujours aimé les westerns. C’est le premier genre de cinéma auquel je me suis identifié, en étant enfant. Pourquoi? Parce qu’il y a tout ce qui me rappelle la rue marocaine, le derb, l’houma: un caïd, un parrain caché qui tire les ficelles, beaucoup de bagarres et de poussières. Pour contrer les misfits, c’est-à-dire les petits voyous et les empêcheurs de tourner en rond, il y avait toujours un adulte, qui représentait l’ordre et la loi, une sorte de shérif, souvent flanqué d’un adjoint beaucoup plus jeune, propret, un peu niais, mais ambitieux.
Par-dessus tout, mon amour pour le western tenait aussi à la psychologie dans laquelle le genre a toujours baigné: binaire, facile à comprendre. Il y a «lui» (le héros, qu’on appelait l’weld, que l’on peut traduire par le kid) et il y a les autres. Ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre. Les gentils et les méchants. Inutile de se prendre la tête, d’autant qu’au final, il y a un règlement de comptes qui lève les derniers doutes et envoie tout le monde au tapis. Sauf «lui», bien sûr.
Je vous parle de western parce que le fameux échange Trump-Zelensky, qui est déjà entré dans les annales de l’histoire (de la politique internationale? Ou de la télévision?), m’a fait penser aux films qui ont peuplé mon enfance.
Donald Trump et son vice-président J.D. Vance ont campé avec brio le rôle du shérif et de son adjoint. Le premier pourrait être le père du deuxième, il y a cette réserve qui fait que les deux ne parlent jamais en même temps et se contentent de se répartir les tâches. Il y a ce code qui circule entre l’un et l’autre: tu fais ceci quand je fais cela, et tu me prépares un bon ballon pour que je réussisse mon smash.
En face de ce tandem qui fait la loi dans le Far West, il y a le président ukrainien dans le rôle du vrai-faux coupable ou de l’homme traqué par tous les chasseurs de primes. Il paraît si seul et si fragile, mais il est son propre avocat et il se défend comme il peut.
«Donald Trump n’a pas le charisme de Marlon Brando. C’est la raison pour laquelle je préférerai toujours les bons vieux westerns spaghettis et les bonnes séries B à cet ersatz de western que nous ont offert Trump, Vance et Zelensky.»
Bien sûr, il manque les armes et les échanges de tirs, remplacés ici par les réparties verbales. On le voit très bien, les mots peuvent faire aussi mal que les balles.
Pour un western, disons qu’on reste dans du classique. Comme ces vieux films dans lesquels jouait, pour de vrai, un ancien président républicain, cowboy de cinéma: Ronald Reagan.
Dans cette partie de rodéo à laquelle se sont livrés nos trois hommes, la semaine dernière, Il manquait les gros plans, les plongées et les contre-plongées chers à Sergio Leone («Il était une fois dans l’Ouest») et au western spaghetti, qui faisaient office de «psychologie» des personnages. Il manquait les ralentis du grand Sam Peckinpah («Pat Garrett et Billy le kid», «Junior Bonner»), qui donnaient cette impression que les moments clés pouvaient durer une éternité. Il manquait aussi, me diriez-vous, la musique d’un Ennio Morricone pour les envolées lyriques qui enrobaient le spectacle et lui donnaient un air mi-corrida, mi-symphonie baroque…
Pour finir, les plus cinéphiles et les plus observateurs me diront que le «film» de la semaine dernière renvoyait aussi, un peu, au «Parrain» de Mario Puzo et Francis Coppola. Ce n’est pas faux. Le président américain avait bien cet air de Don Corleone jouant sur les mots et faisant à son interlocuteur «une offre qu’il ne pourra pas refuser»…
Mais Donald Trump n’a pas le charisme de Marlon Brando. C’est la raison pour laquelle je préférerai toujours les bons vieux westerns spaghettis et les bonnes séries B à cet ersatz de western que nous ont offert Trump, Vance et Zelensky. Désolé.
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