Dans cette interview publiée le 5 juin dans les colonnes du magazine L’Express, le président du parti Horizon a dévoilé sa vision de l’immigration en France, en prenant fermement position contre «l’immigration du fait accompli» et en remettant en cause l’accord de 1968 conclu avec l’Algérie au sujet des questions migratoires.
Le maire du Havre s’attarde sur l’accord conclu en 1968 avec l’Algérie, qui organise l’entrée, le séjour et l’emploi des Algériens en France, selon des règles dérogatoires au droit commun.
«Une particularité très nette»
Le moment est-il venu de remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie?, interroge la publication. Question à laquelle l’ancien premier ministre d’Emmanuel Macron, de 2017 à 2020, répond par l’affirmative. Selon lui, «les raisons qui ont conduit à la négociation et à l’adoption de cet accord et la situation actuelle me laissent à penser qu’il est temps de revenir en arrière», jugeant que «l’Algérie n’est pas le seul pays avec lequel nous avons des accords bilatéraux en matière d’immigration ou de séjour».
Ainsi, précise-t-il, «seize accords lient la France à des pays avec lesquels nous partageons une histoire, notamment celle de la colonisation, le Sénégal, la Côte d’Ivoire…». Or, «la particularité de l’accord franco-algérien est qu’il détermine complètement le droit applicable à l’entrée et au séjour des ressortissants algériens, avec des stipulations qui sont beaucoup plus favorables que le droit commun».
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Pour Édouard Philippe, cette «particularité» est «très nette», d’autant qu’«aucun ressortissant d’un autre État ne bénéficie de tels avantages». En effet, illustre-t-il, «un Algérien qui peut prouver dix ans de séjour, même irrégulier, sur le territoire français, a un droit à la délivrance d’un titre de séjour grâce à cet accord. Un droit. C’est dire la spécificité de cette situation!»
«Aucune politique migratoire cohérente n’est possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien.»
— Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger.
«Le maintien aujourd’hui d’un tel dispositif avec un pays avec lequel nous entretenons des relations compliquées ne me paraît plus justifié», précise Édouard Philippe. Et de conclure, qu’il «ne minimise pas les difficultés que cela engendrerait. Mais il est temps de remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie».
Un accord qui relève de «l’anomalie»
Un point de vue très largement partagé par Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger. Invité par la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), un think tank libéral, à rédiger une note sur l’accord franco-algérien de 1968, l’ancien diplomate estime lui aussi, dans un entretien explosif accordé au magazine Le Point, que cet accord relève de «l’anomalie». Le contexte historique ayant changé, cet accord a selon lui, installé «une brèche dans notre ordre juridique», à tel point qu’«aucune politique migratoire cohérente n’est possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien».
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Si cet ancien diplomate estime que la dénonciation de l’accord de 1968 aurait l’effet dévastateur d’une «bombe atomique», il n’en appelle pas moins à braver les difficultés «afin d’établir un rapport de force qui permette, lorsque les choses se calmeront, de redéfinir notre relation avec l’Algérie sur des bases plus saines, notamment sur la question migratoire, qui est l’un des aspects importants de notre relation».
Un accord auquel tient le régime algérien
Homme parcimonieux en entretiens, Édouard Philippe s’est positionné très à droite dans la longue interview accordée à L’Express, majoritairement consacrée à l’immigration, un sujet qui va s’imposer une fois encore sur le podium des interventions des hommes politiques en France. La nouveauté cette fois-ci, c’est que l’accord auquel tient mordicus le régime algérien s’invite avec une acuité inédite dans les débats sur l’immigration en France.
Édouard Philippe se positionne pour les élections présidentielles et parle dans l’entretien accordé à L’Express avec les accents d’un futur président: «Je préfère dire la vérité aux Français, et éviter les postures, sans jamais renoncer à l’ambition». Une ambition largement confortée par les sondages. En effet, selon un baromètre Odoxa-Mascaret pour LCP, Public Sénat et la presse régionale réalisé en 2022, plus de 6 Français sur 10 pensent qu’Édouard Philippe «va revenir sur le devant de la scène politique», et 65% d’entre eux estiment que celui-ci «serait un meilleur président qu’Emmanuel Macron».