Dans la soirée du mardi 21 janvier, le Front de libération de l’Azawad (FLA), mouvement séparatiste du nord du Mali, a publié un communiqué dans lequel il donnait des détails sur ses tractations avec les ravisseurs du touriste espagnol Navaro Canada Joaquim, enlevé une semaine plus tôt en Algérie, dans la région de Tamanrasset, et qui ont permis sa libération.
Selon le FLA, c’est grâce aux bons offices de notables locaux qu’il a réussi à négocier la libération de l’otage espagnol. Kidnappé sur le sol algérien, ce dernier avait été transféré vers la ville de Ménaka, un bastion du groupe terroriste «État islamique dans le grand Sahara» (EIGS), rebaptisé «État islamique au Sahel» (EIS).
L’ombre de Daech
En mentionnant la région de Ménaka, mais aussi ses «notables», le FLA confirme implicitement que c’est Daech qui serait derrière l’enlèvement du touriste espagnol, ou qu’il l’aurait au moins commandité. Cependant, les ravisseurs ont été présentés comme une «bande du crime organisé», et on se demande pourquoi ils n’ont pas été également remis aux autorités algériennes, puisque c’est en Algérie que ce rapt a été perpétré.
Tout porte à croire que la qualification de «bande du crime organisé» a été créée de toute pièce pour occulter les liens existant entre les deux partenaires (FLA et autorités algériennes) et les groupes terroristes au Sahel relevant d’Al Qaïda et de Daech.
Lire aussi : Enlèvement d’un touriste espagnol en Algérie: le silence assourdissant du régime
D’ailleurs, le communiqué du ministère algérien de la Défense, qui a annoncé mardi soir la «réception du ressortissant espagnol Navaro Canada Joaquim par les services de sécurité de l’Armée nationale populaire», s’est également empressé de préciser que l’Espagnol a été enlevé par un «groupe armé de cinq personnes».
Mais le plus surprenant, c’est que, dans une tentative de cacher son incapacité à sécuriser les frontières et son impéritie dans cette affaire, l’armée algérienne s’est attribué les mérites de la libération de l’otage espagnol. «Cette opération témoigne, une nouvelle fois, du haut professionnalisme des services de sécurité de l’Armée nationale populaire (ANP), notamment dans la lutte contre la criminalité organisée à travers tout le territoire national», lit-on dans le communiqué du département du général Saïd Chengriha.
Une incurie déguisée en succès
Il y a de quoi pouffer de rire, quand on sait que le ressortissant espagnol a été enlevé sur le territoire algérien, et que le véhicule qui l’a transporté, lui et ses ravisseurs, y a parcouru plus d’une centaine de kilomètres, avant de traverser la frontière algéro-malienne, sans que les éléments de l’ANP n’aient pu l’intercepter, ni même le repérer. Et pour finir, c’est un mouvement séparatiste touareg qui a annoncé sa libération au Mali. Il faut vraiment que l’armée algérienne soit vraiment très affaiblie pour en être réduite à maquiller un tel désastre en triomphe.
Sans surprise, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a à son tour attribué cette libération à l’ANP, qu’il a félicitée via une publication sur X. «Je remercie nos services de sécurité et les cadres du ministère de la Défense nationale pour leur efficacité et la confidentialité lors de l’opération de libération du citoyen espagnol Gilbert Navarro», a-t-il écrit sur le réseau social. Pas un seul mot de remerciement en revanche à l’adresse du FLA malien pour ce précieux «cadeau» fait au régime algérien, qui avait perdu la voix sur cette affaire d’enlèvement pendant toute une semaine.
Lire aussi : L’Algérie est-elle dirigée depuis El Mouradia ou depuis Tindouf?
Rappelons au passage la cacophonie qui s’est installée entre la présidence et le ministère de la Défense algériens, qui ne connaissent même pas avec précision le nom exact de l’otage espagnol. En effet, chacun des deux départements l’a affublé d’un nom différent: «Gilbert Navarro» pour Tebboune, et «Navaro Canada Joaquim» pour Chengriha.
Par ailleurs, l’Espagne étant à moins d’une heure de vol de l’Algérie, l’on se demande pourquoi l’otage libéré, retrouvé «en bonne santé» selon le communiqué de l’armée algérienne, a quand même été retenu en Algérie pour être «remis ultérieurement» à son pays.
Les liens entre l’Algérie et le FLA révélés
La principale leçon à tirer de cette affaire est que l’armée algérienne a tenté de faire oublier son incapacité à sécuriser les frontières du pays… en se présentant comme l’acteur principal de la libération de l’otage espagnol. Une manœuvre rendue toutefois caduque par le communiqué du FLA, qui confirme pour sa part deux choses: d’une part, l’otage a bel et bien été introduit au Mali depuis l’Algérie et, d’autre part, c’est grâce à l’entremise de ce groupe proche du régime d’Alger qu’il a été libéré.
Cette entremise du FLA dévoile au grand jour les accointances entre les services algériens et les séparatistes touareg du nord du Mali, donnant ainsi raison à l’actuel gouvernement malien qui accuse régulièrement Alger de soutenir les mouvements terroristes au Sahel et au Sahara.