Sahara marocain: à quoi jouent les Britanniques?

Rachid Achachi.

ChroniqueAlors que la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, en 2020, laissait espérer un alignement rapide de la diplomatie britannique, le Royaume-Uni, pris dans des ambivalences internes, semble hésiter à le faire. En toile de fond, des clivages idéologiques et une politique étrangère parfois décalée qui pourraient toutefois être infléchis par l’influence des États-Unis, où Donald Trump vient de reprendre la main.

Le 23/01/2025 à 11h00

Après la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du Sahara en 2020, beaucoup s’attendaient, moi y compris, à ce que le Royaume-Uni fasse partie des premiers États à emboîter le pas aux Américains, et ce, bien avant la France. Cette attente était pour le moins légitime connaissant le réalisme radical des Anglais et les conséquences escomptées du Brexit en 2016.

En effet, l’une des conséquences logiques de la sortie du Royaume-Uni du carcan européen, à la suite du référendum de 2016 et de l’entrée en vigueur de cette sortie en 2020, était que les Britanniques retrouvent leur légendaire pragmatisme et commencent à se projeter à l’échelle du monde, en renouant avec les vastes espaces de leur ancien empire colonial, tout en découvrant de nouvelles perspectives stratégiques.

Dans cette perspective, un rapprochement avec le Maroc a bien eu lieu, et des signes positifs pouvaient laisser croire à une prochaine reconnaissance du réel, autrement dit, de la marocanité historique et effective du Sahara. Car qu’est-ce que le réalisme, sinon le respect du réel tel qu’il est?

Cependant, en même temps que des signaux positifs émanant du côté de Downing Street, d’autres, moins positifs, avaient tendance à tomber chaque fois comme un cheveu dans la soupe. Cela va des révélations d’un député britannique sur le rôle de l’ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, Simon Martin, dans le blocage d’une reconnaissance par Londres de la marocanité du Sahara, à la récente réponse donnée par écrit à un député conservateur par David Lammy, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement.

Formulée le 8 janvier, la question du député conservateur portait sur les implications potentielles d’un soutien au plan d’autonomie du Maroc pour ses politiques concernant le Sahara occidental.

La réponse du secrétaire d’État fut la suivante: «Le Royaume-Uni continue de soutenir les efforts dirigés par l’ONU pour parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, basée sur le compromis, qui garantira l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. Le Royaume-Uni soutient fermement le travail de Staffan de Mistura, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, et continue d’encourager un engagement constructif avec le processus politique de l’ONU. Le Royaume-Uni estime que ce processus est la meilleure voie pour résoudre le différend de longue date en aboutissant à une solution acceptable pour toutes les parties, ce qui contribuerait de manière significative à la sécurité et à la prospérité régionales.»

Nous avons là l’exemple parfait de la langue de bois habituelle dont font preuve certains responsables politiques et diplomatiques, qui choisissent de s’abriter derrière une rhétorique révolue afin de gagner du temps en attendant de choisir le moment opportun pour franchir le pas. Mais comment expliquer ce double langage du côté de Londres?

Premièrement, le Royaume-Uni, comme tout pays occidental, n’échappe pas au clivage et à la dialectique gauche-droite. Dans cet État, cela passe par une opposition sans concessions entre travaillistes et conservateurs. Les premiers, au pouvoir actuellement, incarnent aujourd’hui la gauche la plus radicale sur le plan sociétal (wokisme, cancel culture...) et la plus anachronique sur le plan géopolitique. Les conservateurs, comme leur nom l’indique, sont les gardiens de la tradition britannique autant au niveau de la politique extérieure que sur celui de l’économie.

De même, les signaux concernant le Maroc, qu’ils soient positifs ou négatifs, sont loin d’être aléatoires. Le plus souvent, les signaux positifs viennent des conservateurs, là où le parasitage d’un rapprochement plus poussé avec le Maroc vient du camp travailliste.

Rien de nouveau sous le soleil, puisqu’on retrouve la même cyclicité dans nos relations avec la France ou les États-Unis, où chaque fois que la gauche est au pouvoir, avec le Parti socialiste en France et le Parti démocrates aux États-Unis, les choses se passent rarement comme prévu.

C’est une réalité avec laquelle on doit composer, même si la progression de nos relations avec certains pays est souvent prise en otage, ou au moins freinée, par des oppositions idéologiques propres à ces pays.

L’autre élément explicatif de cette ambivalence britannique est que Londres continue de se comporter comme un empire sans en avoir les moyens. Sur le plan économique et militaire, les moyens dont dispose Londres sont en décalage total avec sa politique extérieure. Que ce soit dans le dossier ukrainien, où il joue depuis le début le rôle de va-t-en-guerre en chef, ou dans le dossier libyen ou encore moyen-oriental, le Royaume-Uni ne mène cette politique, qualifiée d’impériale par certains, que parce qu’il peut en général compter sur le soutien des États-Unis. Un soutien tant financier que militaire et logistique.

Mais si nous pouvons actuellement observer à l’oeil nu un alignement planétaire très rare dans le ciel, sur le plan géopolitique, les choses semblent prendre une autre tournure.

L’investiture officielle de Donald Trump en tant que président des États-Unis, le 20 janvier, risque fortement de ramener le Royaume-Uni au réel. En effet, la volonté affirmée de Trump de mettre fin au conflit en Ukraine, ainsi que sa politique anti-woke et sa volonté de restaurer la liberté d’expression fortement malmenée depuis quelques années en Occident s’inscrivent en totale opposition avec la politique menée par le gouvernement travailliste britannique depuis son installation en juillet dernier.

Sur le terrain des relations diplomatiques, il est certain que Trump va reprendre là où il s’était arrêté en 2020, en donnant notamment vie à la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara, que les démocrates avaient quelque peu mise en pause. On devrait s’attendre prochainement à l’ouverture d’un consulat américain à Dakhla, et probablement à d’importants projets d’investissement américains dans nos provinces du Sud.

Dans un tel contexte, les Britanniques vont-ils finir par s’inscrire dans la même dynamique? Ou vont-ils décider de faire cavalier seul, au risque de se mettre en porte-à-faux avec le projet américain de consolidation et de restauration de la puissance de l’Occident face aux nouveaux défis émanant du Sud global?

L’histoire nous le dira. Mais en attendant, je me demande sérieusement si le réalisme anglo-saxon n’a pas définitivement migré de Londres vers Washington.

Par Rachid Achachi
Le 23/01/2025 à 11h00

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Pour preuves 2 vidéo à voir : ..1/ la vidéo YT « تصريح بوتين أمام عبد المجيد تبون حول الصحراء الشرقية المغربية » postée par Radouane Ferrouhi il y a 1 an,,,,,2/ Plus récemment encore la CIA vient de confirmer que le Maroc a été bel et bien dépouillé de son Sahara Oriental ( voir la vidéo YT « Sahara oriental : La CIA reconnaît les injustices coloniales subies par le Maroc » postée par « Relève ma » le 23 Janv 25 )...Tout ceci prouve bien que les 5 membres du CS de l'ONU savaient depuis toujours que les 2 Sahara dit Occidental et Oriental appartenaient au Maroc mais que la querelle que le Régime néocolonial algérien a imposé au Maroc servait leurs intérêts dans la région qui ne devenait surtout pas s'organiser en Union Economique pour ne pas affaiblir la France, l'Espagne et l'UE.

Il faut relire l’article du 360 ma intitulé « Affaire RS Berkane: «L’Algérie ne connaît ni la souveraineté, ni ce qu’est un pays», affirme le politologue Pedro ALTAMIRANO »,,,,Il faut aussi lire l’article du Docteur en Histoire, le Belge Sébastien BOUSSOIS , intitulé « Sahara occidental : de la responsabilité de la France coloniale dans la naissance du problème » publié par le site français « Jeune Afrique »

Il ne faut jamais perdre de vue le Rocher de Gibraltar

Les dernières chroniques de M. Achachi sont devenues de moins en moins pertinentes. En effet, elles sont remplies de tous les clichés habituels. Exemple : pour parler de l'Europe, on utilise l'expression "carcan européen", expression chère aux pro-Brexit et des souverenistes d'extrême-droite partout en Europe. Et pourtant, sans l'UE, l'Europe ne serait rien que des petits États qui ne pèseraient pas bien lourd. Et considérer les Travaillistes anglais comme une "gauche radicale" est tout simplement ahurissant même s'il est précisé que ce radicalisme porte sur les problèmes sociétaux. Il est vrai cependant qu'on attendait une position favorable au Maroc de la part de la Grande-Bretagne. L'arrivée de la gauche au pouvoir ne fera que retarder la reconnaissance de la marocanité de notre Sahara.

L histoire de l angleterre prouve une chose, Londres cherche toujours à faire cavalier seul pour se démarquer et préserver le prestige de Sussex....les cherchent souvent à marquer l histoire par leur empreinte propre à eux.l opportunisme alimente toutes les positions anglaises. Londres cherchera à créer une confusion théâtrale pour avoir des concessions quelques parts, et peut-être là où on les attend pas....Trump par son courage, et sa franchise provoquera sûrement les intentions cachés de Londres et les poussera à jouer aux lièvres sans pour autant influencer la dynamique et le résultat final. Le conflit de notre désert est sûrement sur l agenda d un président pragmatique ,Trump est juste reconnaissant envers les marocains qui travaillent sans relâche pour protéger la vie des américains

Toutes leurs Avis compte pas on est chez nous eux chèz eux et voilà pas besoin de leurs avis on va pas mandier non plus !!! Le tarif est le même pour tout le monde si y sont pas contents qui dégage et même du Maroc tout simplement

Le réalisme Anglo saxon a migré de Londres à Washington en 1945 plus exactement le 6 juin 1945. Depuis Londres n’est plus que spectateur d’un monde en perpétuel changement. Pour le reste c’est de l’histoire.

On a beaucoup parlé à où la France refusait pratiquement toutes les demandes de visas des marocains qui voulaient aller en France. Le Royaume Unis fait pire en ce moment et personne n'en parle ! Les Anglais sont connus pour avoir deux visages. Dans leur esprit ils se considèrent toujours comme "des supers colons civilisés" . Il est temps pour le Maroc de taper du point et d'arrêter de les considérer comme des amis. Ce n'est pas du tout normal, le Maroc en fait trop vis à vis de ce pays qui ne nous considère même pas et qui nous prend de haut ! Enough is Enough !

Londres ne fait que ce que plusieurs pays de l'UE ont fait et continuent à faire à savoir profiter du Maroc, car il savent que la question du sahara est une question existentielle pour le Maroc et son développement futur. La seule différence c'est que le Royaume Uni ne doit sa survie que grace a l'hégémonie des USA, alors peut être l'arrivée de Trump fera peut être bouger les choses va savoir.

Nous devons continuer à renforcer notre diplomatie , mais surtout nos moyens de communication vers l'extérieur pour dénoncer les camps de la honte . Car à ce niveau , nous avons beaucoup de retard et enfin , renforcer notre armée et particulièrement notre marine et notre aviation afin de dissuader , voire ramener nos ennemis à la raison , à condition que leur pathologie n'a pas atteint le point de non retour .

il suffit alors au Maroc de traîner ses pieds sur la délivrance des autorisations pour le projet XLinks. la politique du "Donnant- donnant" . PRAGMATISME OBLIGE.

La grande Bretagne est rattrapée par son passé colonial. Il est évident que la question de Gibraltar avec l'Espagne pèse dans sa décision vis-a-vis du sahara marocain

Ce clivage "gauche/droite" par rapport à la position sur la question Nationale ,n'est pas toujours vérifiable .A en juger par la position Allemande, portugaise et de quelques tendances de gauches ,tels la FNS ou le PS. C'est vrai les mouvances de gauche ont tendance à s'aligner sur le dit polisario et leurs dirigeants rechignent à reconnaitre à notre pays son intégrité légitime ,sous la pression de militants. La cause à mon humble sens est que malicieusement les séparatistes et Alger ,en utilisant les séquestrés médiatiquement " humanise leur situation de pauvres types" auxquels il faut se solidariser .Et cela la direction de travail médiatique et diplomatique à faire. Dénoncer l'enfermement et le blocage de liberté de mouvement. Mme Samira Sitail communicante, le fait déjà MERCI

Il faut se méfier de l’inférence ! Elle nous induit souvent en erreur ! Sur beaucoup de dossiers, les européens ne s’alignent pas systématiquement sur les positions américaines : proche orient, Iran , Taïwan, Irak et même Ukraine ! En revanche, soyons conscients que même si les cinq membres permanents du CS reconnaîtraient notre souveraineté sur ces provinces, le régime des caporaux persistera toujours dans sa position . Les succès diplomatiques sont certes intéressants, mais c’est sur le terrain que les choses se règlent. Il faut donc continuer à se renforcer sans relâche.

Bonjour Monsieur Driss. Exactly! Cordialement.

Rabat aurait dû demander à Londres le changement de son ambassadeur aussitôt connu son jeu fourbe contre la Sahara marocain. Gibratar ne serait peut être pas resté anglais, si le Maroc ne l'avait strategiquement ravitaillé.

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