Le régime d’Alger a beau édulcorer la mesure, c’est bien la guerre qu’il annonce préparer. C’est ce qui ressort du Conseil des ministres présidé, hier dimanche 20 avril 2025, par Abdelmadjid Tebboune, chef d’État et «chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale», tient à préciser la présidence algérienne dans un communiqué. Ce qu’on y lit précisément, c’est que le Conseil des ministres a approuvé un projet de loi relatif à la «mobilisation générale».
Au programme, les dispositions liées aux modalités d’organisation, de préparation et de mise en œuvre de cette mobilisation générale, telle que prévue dans l’article 99 de la Constitution algérienne. La disposition fait partie de tout l’arsenal de mesures envisagées en cas de «situations exceptionnelles». Entendez l’état d’urgence ou l’état de siège «en cas de nécessité impérieuse» (article 97), l’état d’exception «lorsque le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions, dans son indépendance ou dans son intégrité territoriale» (article 98). Juste après la disposition sur la mobilisation, c’est l’état de guerre qui figure dans l’article 100 et ce, «en cas d’agression effective ou imminente».
C’est clair comme de l’eau de roche: le régime d’Alger, en perte totale de vitesse, augure des pires scénarios avec la guerre en ligne de mire. Et ce n’est pas pour rien que la panique est actuellement le mot d’ordre au sein de la société algérienne. Il suffit de taper «mobilisation générale» en français ou en arabe sur tous les réseaux sociaux pour se rendre compte de l’étendue de l’effroi. Et pour cause, la mobilisation générale concerne tous les citoyens et ne se limite pas à la seule armée. Elle suppose également que les libertés publiques, pour peu qu’elles existent, sont supprimées et que tout l’appareil productif soit orienté vers une économie de guerre. L’État peut ainsi déposséder personnes physiques et morales en un clin d’œil.
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Face à la confusion générale qui règne en interne, le régime tempère en distillant à travers ses médias que le projet de loi était sur la table depuis fort longtemps –étant programmé par les deux chambres du Parlement depuis cinq mois– et qu’il n’a nullement l’intention d’entrer en guerre. Sauf à être une autre marque de l’incompétence et du légendaire manque de discernement du «système», l’annonce est tout sauf anodine. Et le contexte de tensions entre l’Algérie et tout son voisinage, ainsi qu’avec la France, n’arrange rien. Un contexte où le voisin assiste désarmé à sa propre déchéance, perdant méchamment sur tous les coups. «Ce projet de loi s’inscrit dans une séquence diplomatique particulièrement tendue, marquée par l’offensive américaine sur le dossier du Sahara occidental, la crise sans précédent avec la France, et les tensions militaires à la frontière malienne. Face à ces défis simultanés, la direction algérienne semble vouloir signaler sa détermination à défendre ce qu’elle considère comme ses intérêts vitaux», résume le politologue Abdelhakim Yamani de l’Institut géopolitique Horizons.
Il y a évidemment le Maroc, qui ne cesse de remporter les unes après les autres des victoires diplomatiques s’agissant de son intégrité territoriale. La dernière en date n’est autre que la confirmation par l’administration américaine de sa reconnaissance de la souveraineté du Royaume sur le Sahara occidental, doublée d’une nouvelle vague d’appui de pays européens (Moldavie, Croatie, Slovénie) à sa proposition d’autonomie. La question du Sahara étant consubstantielle à la survie du régime d’Alger, une guerre ouverte contre le Maroc ne serait donc pas exclue.
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Il y a aussi le véritable reset, sur fond d’humiliations en cascade, infligé par la France à un régime qui ne s’y attendait pas. Le rappel, le 15 avril dernier, par Paris de son ambassadeur à Alger, Stéphane Romatet, est une première historique qui s’ajoute à l’expulsion de douze «diplomates» algériens en fonction en France. Jamais les relations entre les deux pays n’ont connu une crise aussi profonde et durable depuis l’indépendance de l’Algérie, indiquait l’historien Benjamin Stora, le spécialiste bien indulgent du voisin en France, sur France Inter. «C’est, à ma connaissance, du jamais vu dans l’histoire compliquée des relations franco-algériennes: même aux plus forts moments de tension entre les deux pays, notamment lors des crises du détournement de l’Airbus d’Air France en décembre 1994, ou encore lors de l’assassinat des moines de Tibhirine en 1996, jamais l’ambassadeur de France en Algérie n’avait été rappelé pour consultations», souligne pour sa part Xavier Driencourt, ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, dans une chronique publiée par Le360. En face, c’est l’aveu d’impuissance d’un régime d’Alger trop groggy pour mettre à exécution ses menaces de représailles contre l’expulsion de ses agents en France, alors même qu’il s’y était engagé dans un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères. Cette reculade est en soi un aveu sans appel des errements d’un régime qui agit par impulsion, sans calculer les conséquences désastreuses de ses actes.
Il y a aussi, et surtout, le voisinage sud de l’Algérie qui semble motiver le mot d’ordre donné par le régime. L’Algérie fait notamment face à une crise majeure avec son voisin malien. L’incident du drone malien abattu par l’armée algérienne début avril 2025 a déclenché une escalade diplomatique et sécuritaire préoccupante. Les deux pays ont rappelé leurs ambassadeurs respectifs et fermé leurs espaces aériens mutuels. «Cette tension s’inscrit dans un contexte de méfiance croissante depuis l’abandon par le Mali de l’accord d’Alger de 2015, où l’Algérie jouait un rôle central de médiateur. Le rapprochement entre Bamako et Moscou a également contribué à détériorer les relations bilatérales, renforçant le sentiment d’isolement régional d’Alger», explique Abdelhakim Yamani. La mobilisation peut ainsi être interprétée comme un signal adressé aux autorités maliennes, histoire de leur faire peur.
Pour l’heure, tout ce que l’Algérie a obtenu, c’est la zizanie au sein d’une opinion publique déjà sérieusement bousculée et désorientée par les choix erratiques du duo Tebboune/Chengriha. Le décret relatif à la mobilisation générale apporte aussi la preuve que, pour s’assurer un gage aussi infime soit-il de survie, les caciques du régime d’Alger sont prêts à tout. Surtout au pire.
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