Nous avons vu dans plusieurs précédentes chroniques que, face à la montée du «berbérisme», le «Système» algérien recourt à une méthode qu’il utilise depuis 1962, à savoir la réécriture de l’histoire.
En 2015, Yassin Temlali publia ainsi un livre intitulé «La genèse de la Kabylie. Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie (1830-1962)», dans lequel il écrit que la «conscience culturelle et politique kabyle» est née avec la colonisation française entre 1830 et 1962.
Dès lors, selon cet auteur, être Kabyle ne serait donc pas inné, mais acquis… Yassin Temlali, qui ne peut évidemment pas nier l’évidence de l’existence des Kabyles, attribue donc leur genèse à la colonisation. Comme l’ont fait avant lui ces «historiens» africanistes français, qui soutenaient que les ethnies africaines avaient été créées par le colonisateur afin de diviser les Africains et leur interdire ainsi toute résistance… Tutsi et Hutu, Touareg et Bambara, Peul et Soninké, Zulu et Kikuyu, ainsi que les 1.000 ou 1.500 autres ethnies africaines, seraient donc nés de la colonisation.
Cette idéologie ayant été balayée par la réalité, l’on s’étonne donc de la voir renaître sous la plume d’un historien algérien qui l’utilise afin de retirer à une partie de ses compatriotes leur histoire et leur identité, pour les ravaler au rang de fantasme colonial.
J’ai rappelé dans une précédente chronique qu’en 1962, Abderrahmane Ben Hamida, ministre algérien de l’Éducation nationale, avait déclaré que «Les Berbères sont une invention des Pères Blancs». Donc, à en croire ce ministre, avant l’arrivée des premiers Pères Blancs en Algérie dans les années 1880, les Berbères n’existaient donc pas…
Dans son livre, Yassin Temlali s’emploie également à limiter la dimension berbère ramenée à la seule définition kabyle, et cela, à l’issue d’une démarche sophistique en trois points:
- L’Algérie est faite de couches successives: berbère, arabe, turque et française.
- Or, on ne parle de Kabylie qu’à partir du moment où la France colonise l’Algérie.
- La revendication kabyle est donc une construction héritée de la colonisation.
L’erreur est évidemment totale, car:
- La rétractation berbère, qui est le produit de l’histoire, fait qu’aujourd’hui, l’identité berbère survit essentiellement en Kabylie, dans les Aurès et dans le Mzab.
- La question berbère ne se limite pas à la Kabylie, région géographique dans laquelle vivent les Kabyles, une des populations berbères survivantes de la Berbérité préislamique. De la même façon, la Bretagne est une région dans laquelle vivent des populations survivantes de la celtitude préromaine. Pour autant, ces dernières ne furent pas créées par la colonisation romaine. Il en est de même avec les Kabyles qui n’ont évidemment pas été créés par la conquête arabo-musulmane ou par la colonisation turque puis française.