Le 4 octobre, l’annonce des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), confirmant l’annulation des accords agricoles et de pêche qui liaient le Maroc à l’UE, a provoqué une onde de choc au Parlement européen. Si une certaine gauche n’a pas manqué d’applaudir ces décisions, partageant la liesse du régime d’Alger et des séparatistes du Polisario, ce n’est pas le cas de groupes situés plus à droite de l’organe législatif européen.
Eurodéputé au sein du groupe Patriotes pour l’Europe au Parlement européen, présidé par Jordan Bardella, leader du Rassemblement national français, Thierry Mariani a été l’un des premiers à réagir. Sur son compte X (anciennement twitter), ce dernier n’a pas mâché ses mots. «Tout le monde a compris que le Sahara occidental est marocain… sauf la Cour de Justice de l’UE», écrivait-il le 4 octobre, quelques heures à peine après l’annonce de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Quelques jours plus tard, Thierry Mariani s’est cette fois-ci exprimé dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux, dans laquelle il apporte son éclairage sur la décision de CJUE qu’il qualifie de «coup dur à un partenariat essentiel pour la sécurité de l’UE et un signe de mépris pour un partenaire stratégique». En effet, poursuit-il, «pour l’UE, qui rêve de voir disparaître les grandes nations européennes, cette décision relègue le principe sacré de l’unité nationale marocaine au second plan».
Les manigances de l’Algérie ne trompent personne
Pour Thierry Mariani, si c’est un «triste jour pour l’Europe», une chose demeure certaine: «l’ambassade d’Algérie est en fête et ses exécutants du Front Polisario sont confortés dans leur séparatisme».
Ainsi, face à «cette décision qui semple prendre l’unique parti des revendications séparatistes du Polisario, un mouvement lié aux islamistes radicaux du Sahel», l’eurodéputé français souligne que «le Rassemblement national continuera de soutenir l’intégrité des nations, c’est-à-dire l’intégrité nationale du Maroc face à des revendications séparatistes encouragées depuis l’étranger».
Dans cet entretien exclusif avec Le360, le membre du groupe Patriotes pour l’Europe au Parlement européen commente plus longuement la décision de la CJUE, et évoque les moyens pour la dépasser, afin de préserver le partenariat stratégique qui lie l’Union européenne au Maroc.
Le360: Que pensez-vous de la réaction du Maroc à l’annonce de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir de ne pas se sentir concerné?
Thierry Mariani: À mon sens, la réaction du Maroc est proportionnée et modérée. Je pense que si le Maroc avait surréagi, cela aurait été une erreur, parce que c’est ce qu’attendent tous ceux qui se réjouissent de cette décision. Or, nous savons très bien que certains ont essayé de l’exploiter politiquement. En réalité, je pense qu’ils attendaient une réaction forte et excessive du Maroc qui aurait “compliqué les relations”. Mais aujourd’hui, il y a une décision de justice et ce ne sont pas les politiques qui l’ont prise. Certes, c’est une mauvaise nouvelle, je ne vais pas vous dire le contraire, mais il va falloir trouver un moyen de continuer les échanges, et ce qui est intéressant, c’est comment, au prochain Sommet européen, ou en commission au Parlement européen, nous allons essayer de trouver une solution pour que nos échanges avec le Maroc ne pâtissent pas de cette décision.
À ce sujet, le Maroc appelle le Conseil, la Commission européenne et les États membres de l’UE à respecter leurs engagements internationaux avec Rabat, préserver les acquis du partenariat et apporter au Royaume la sécurité juridique. À votre avis, quelles sont les mesures nécessaires à prendre en ce sens?
C’est un peu trop tôt pour le dire, car la décision date d’une semaine. Par ailleurs, nous sommes actuellement en train de nous installer au Parlement européen et l’actualité, comme dans d’autres structures, concerne les auditions des 27 nouveaux commissaires pour désigner ceux qui seront en charge du commerce international. Je pense que pendant ce laps de temps, les services vont un peu réfléchir à la manière de trouver une solution afin que dans un mois, quand les commissaires européens auront été désignés, confirmés et mis en place, nous puissions commencer sérieusement à étudier les solutions. Pour ma part, dès ce lundi (14 octobre, NDLR), dans le cadre d’une commission du commerce international, j’aborderai le sujet en posant le problème: comment compte-t-on faire pour que nos échanges avec le Maroc, qui jusqu’à présent étaient bénéfiques pour les deux parties, ne soient pas impactés par cette décision?
Lire aussi : La justice européenne enterre les accords agricole et de pêche Maroc-UE, et alors?
Suite au verdict de la CJUE, plusieurs pays membres de l’UE ont souligné le caractère stratégique de leur relation avec le Maroc. Quelle lecture faites-vous des réactions officielles de ces pays?
Une lecture très positive, car ce sont les neuf pays qui sont le plus concernés. À ma connaissance, il n’y a pas de pays qui a eu une réaction enthousiaste à l’annonce de cette décision. Certes, il est vrai qu’ils ne sont que 9 sur 27, mais ce n’est pas une insulte de dire que l’Estonie ou la Lituanie ne sont pas forcément les premiers concernés par les accords Maroc-UE. Je pense que tous les pays qui se félicitaient à la fois de la coopération en termes migratoires et en termes d’échanges commerciaux sont les pays qui sont en contact sur la Méditerranée, et tous ont dit qu’ils regrettaient cette décision.
«Ce qui est extrêmement surprenant dans cette décision, c’est d’invoquer le principe d’autodétermination pour la justifier, alors qu’il n’y a pas eu de consultation des populations sahraouies lors des négociations.»
Par quel mécanisme la CJUE peut-elle tenir compte des prétentions du Polisario quant à une soi-disant représentativité des populations sahraouies, alors même qu’il n’a jamais été élu en tant que tel et qu’il agit en service commandé par Alger?
Ce qui est extrêmement surprenant dans cette décision, c’est d’invoquer le principe d’autodétermination pour la justifier, alors qu’il n’y a pas eu de consultation des populations sahraouies lors des négociations. Comme je l’ai expliqué dans ma vidéo, on ne consulte pas les pêcheurs bretons pour signer un accord de pêche, ou les éleveurs du centre de la France quand il s’agit d’un accord sur l’élevage. Dans le cas présent, c’est un accord avec le Maroc, et on n’a pas à se prononcer sur la définition nationale du Maroc. Pour nous, c’est quelque chose qui était acquis. Donc, en réalité, toute cette décision repose sur la notion d’autodétermination, et de consultation, qui est extrêmement floue dans ce cas-là, parce qu’il n’y a pas d’entité qui peut légitimement dire qu’elle représente ce peuple spécifiquement. C’est pour cela que tout le monde est extrêmement surpris.
Comment expliquez-vous ce deux poids, deux mesures?
Je vous dirai avec le sourire que de nombreuses décisions de la Cour de justice de l’Union européenne deviennent de plus en plus difficiles à suivre. Mais voilà, cette décision existe. Aujourd’hui, la question n’est pas d’en dire du bien ou du mal, mais de trouver une solution pour que nos échanges reprennent normalement, dans l’intérêt des deux parties. C’est pour cela qu’à la fois, les réactions des neuf pays qui ont clairement dit que c’était une erreur et qu’ils ne partageaient pas cette analyse, et celle du Maroc qui a été très modérée et sage font que j’ai bon espoir que nous trouvions rapidement une solution.
«La question est: est-ce que l’UE veut défendre ses intérêts ou défendre des grands principes qui, souvent, n’ont aucune réalité sur le terrain?»
Sur le réseau social X, vous évoquez «des revendications séparatistes encouragées depuis l’étranger» et déclarez que «l’ambassade d’Algérie est en fête et ses exécutants du Front Polisario sont confortés dans leur séparatisme»…
Bien sûr, on sait qu’au Parlement européen, un groupe sur le Sahara est constitué pour soutenir les revendications et les positions algériennes, un groupe où l’on retrouve en général la gauche européenne. On a vu leurs réactions… Ils ont essayé de faire passer cette décision pour une grande victoire. Je ne dirais pas que c’est une péripétie, parce que c’est quand même une décision regrettable, mais je pense que ce n’est pas du tout une décision irrévocable, surtout avec le soutien des États qui veulent, je le répète, que les échanges continuent comme avant.
Comment expliquez-vous le flagrant décalage entre la décision prise par la Cour britannique de justice, le 25 mai dernier, de rejeter de façon irrévocable la requête d’un organisme qui voulait remettre en cause l’accord d’association liant le Maroc au Royaume-Uni, et celle de la CJUE?
Les Britanniques sont des gens intelligents et pratiques. Ils font peut-être moins d’idéologie que l’Union européenne, d’où ces deux décisions contradictoires. La question est: est-ce que l’UE veut défendre ses intérêts ou défendre des grands principes qui, souvent, n’ont aucune réalité sur le terrain?