Invité à un Space (conversation en direct) organisé par la chaine politique «Tarik Talk» sur X, l’ancien numéro 2 de la sécurité extérieure française s’est exprimé, avec maestria, sur une batterie de sujets, à la tête desquels le Sahara marocain, la diplomatie et les relations du Maroc avec la France et l’Algérie.
«Le Maroc, un royaume qui date de l’an 900»
Prié toute affaire cessante de décrire la nature de la relation actuelle entre le Maroc et l’Algérie, et de donner un aperçu général sur l’histoire des deux pays, Juillet a été catégorique: «Les relations entre le Maroc et l’Algérie ont toujours été un peu tendues. C’est le moins que l’on puisse dire. Le Maroc est un royaume qui date de l’an 900, et qui a contrôlé la zone qui allait depuis Gibraltar à la frontière du Sénégal. C’est un royaume qui avait ses caractéristiques. À côté, il y avait une zone qui a toujours été un endroit de mouvements et de passages où l’on a vu passer des Arabes, des Turcs qui ont occupé l’Algérie pendant des centaines d’années, et des Français! Il y avait donc, en Algérie, beaucoup de brassages et de mouvements, ce qui n’est pas le cas du Maroc qui est un pays très différent.»
Deuxième point et non des moindres, l’Algérie n’a pas, en définitive, «une histoire de pays», rappelle-t-il, complétant qu’«elle s’est construite sur la guerre d’indépendance contre les Français. Et c’est le référentiel dont elle se sert aujourd’hui. Elle n’a pas une histoire comme celle que peuvent raconter les Marocains».
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Alain Juillet, qui préside depuis 2011 le Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE), revient aussi sur le contraste existant entre les deux pays, d’un point de vue économique. Il s’interroge, à cet effet, «comment le Maroc, qui n’est pas un pays riche et qui n’a pas la chance d’avoir le pétrole et le gaz, a pu avoir une réussite économique comme celle qu’il a aujourd’hui, alors que l’Algérie à côté, qui est un pays extrêmement riche grâce au pétrole et au gaz en particulier, est en mauvaise posture économique, et se voit obligée d’importer la nourriture et les matières agricoles nécessaires pour nourrir sa population».
Absence de vision et de direction en Algérie
«C’est dû à des problèmes de gestion, de direction, de vision à moyen et long termes», explique-t-il, soulignant qu’en Algérie, «le système en place n’a depuis l’indépendance qu’un seul objectif: se maintenir au pouvoir. On le sait au niveau des politiques et des militaires, qui ont fait fortune et qui n’ont aucune envie de la perdre. C’est un système monopolisé par une élite qui s’est mise en place après l’indépendance et qui pourrait rester. Tant qu’il y aura l’équipe en place, l’Algérie n’aura aucune chance de réaliser un développement normal pour son peuple».
«C’est désespérant de voir l’état actuel de l’Algérie, qui était le pays le plus riche de l’Afrique du Nord», regrette-t-il.
Questionné sur le rôle de la diplomatie marocaine et des réalisations qu’elle a pu engranger ces dernières années, Juillet a été on ne peut plus pragmatique: «En diplomatie, il y a le style et l’efficacité. Je pense que la diplomatie marocaine est extrêmement efficace parce qu’elle a réussi à se positionner au niveau mondial. Le Maroc occupe une place à part par rapport à tous les autres pays de la région. Il y a eu une réussite diplomatique indiscutable dans la relation qui existe avec les États-Unis, le Proche-Orient, la signature par le Maroc des Accords d’Abraham, ainsi que le rapprochement avec l’Espagne et le Portugal qui est riche d’avenir, sans oublier le développement africain du Maroc qui est exemplaire.»
Le Sahara marocain est «indiscutable»
«Il faut bien dire les choses, le Royaume est en train de remplacer la France dans beaucoup de pays de l’Afrique francophone. Et avant la diplomatie, il y a une vision politique à moyen et long termes portée par le Roi du Maroc, parce que c’est lui qui donne les orientations que les diplomates ont réussi à mettre en musique», a-t-il poursuivi dans le même ordre d’idées.
S’agissant de la question du Sahara marocain, Juillet estime qu’on «touche à un point essentiel de la vision marocaine de l’avenir». Selon lui, «le Sahara marocain est une plateforme non seulement de développement, mais aussi une plateforme qui va vers le sud. À partir du sud du Maroc, c’est toute l’Afrique francophone qui est concernée. Et le Roi a eu raison, parce que c’est sa stratégie pour le développement futur du pays vers l’Afrique. C’est un élément qu’on ne discute pas».