Modeste proposition pour un projet maroco-espagnol

Fouad Laroui.

Fouad Laroui.

ChroniqueLà où d’autres verraient un problème, nous autres Marocains et Espagnols, nous pouvons en faire une success story en présentant ensemble le dossier à l’Unesco: ‘‘la frontière la plus baroque du monde’'.

Le 08/02/2023 à 11h19

Maintenant que nous sommes devenus, nos voisins espagnols et nous, les meilleurs amis du monde, il est temps d’imaginer des projets communs qui cimenteraient cette belle love story à côté de laquelle pâlissent les risibles amours de Tristan et Yseult ou la pâle bluette antique de ‘Antar et ‘Abla.

Soit. Mais quels projets?

Vous me dites, parce que vous êtes économiste: «Créons des joint ventures, construisons des usines, fabriquons des voitures ensemble du côté de Tanger!»

Vous me dites, parce que vous êtes écolo: «Vendons du vent aux hidalgos!»

Vous me dites, parce que vous êtes le CCME: «Faisons de la communauté marocaine en Espagne un trait d’union entre nos deux pays!»

Vous me dites, parce que vous êtes mon ami N. du parti [—-]: «Formons des groupes de travail entre nos parlementaires, selon les affinités politiques, pour contrer les agressions quotidiennes du Parlement européen!»

Vous me dites, parce que vous êtes prof’ d’espagnol à T’nine Chtouka: «Remplaçons le français, langue d’enseignement, par le castillan!»

Bon, tout cela est intéressant mais un peu convenu, non? L’automobile, les énergies renouvelables, l’immigration, la politique… OK, mais bof, quoi.

Voici un projet bien plus extraordinaire: demandons conjointement à l’Unesco de classer la frontière maroco-espagnole ‘‘patrimoine mondial’’. Parce qu’elle vaut vraiment le détour. On devrait venir de loin la visiter comme on visite Venise, la grande muraille de Chine ou les pyramides.

Voici l’itinéraire touristique à soumettre à l’approbation de l’Unesco. On quitte Tanger, d’où l’on voit par beau temps la côte ibère et on va vers l’Est. L’air est pur et le chemin étroit, on chantonne et puis, boum! sans crier gare, que vois-je devant moi? Le drapeau espagnol flotte sur la marmite… pardon, sur une ville nommée Ceuta. Pourtant, on est toujours sur le continent africain, non? Entrons dans la ville. C’est indubitable: on est chez les Borbón, déformation du français Bourbon, puisque la dynastie régnante chez nos voisins descend de Louis XIV. Autrement dit, si les descendants du Roi-Soleil ont disparu de France, ils se perpétuent à la frontière hispano-marocaine. Étonnant, non?

Continuons. Voici un rocher sauvage, inhabité, à quelques encablures de la côte marocaine. Pris d’une envie soudaine, le touriste décide d’y aller faire discrètement pipi. Deux minutes plus tard, attaqué en piqué par trois F18 Hornet et quatre F-5 de l’armée de l’air espagnole, bombardé par la frégate Álvaro de Bazán et deux sous-marins Agosta, le touriste s’est complètement volatilisé. Paix à son âme. Il n’avait qu’à savoir que ce petit rocher, dit Leïla ou Perejil et qui ne sert strictement à rien, est terre borbóne. En vertu de quoi? En vertu de rien. Aucun document, aucun traité ne le prouve. Mais toute la puissance de feu de l’invincible Armada le défend farouchement. Contre les chèvres?

Continuons (avec un autre touriste, vivant). La frontière devient encore plus surréaliste à un endroit que nos amis appellent ‘’Peñón de Vélez de la Gomera’'. Le nom est quasiment plus long que l’endroit lui-même. La frontière qui sépare le Maroc du ‘‘Peñón etcetera’' fait exactement 85 m de long. C’est la plus courte du monde. Totalement instagrammable! Le Peñón est une presqu’île habitée par quelques fantassins espagnols dépressifs et une centaine d’habitants qui n’auraient aucun mal à émigrer sur la Lune, vu la fadeur de leur vie quotidienne. L’eau nécessaire à leur survie leur est fournie par le Maroc, pas rancunier. Note, touriste, note notre magnanimité.

Quelques kilomètres plus loin, caramba! que vois-je? Une autre ville espagnole en terre marocaine, le dernier repaire des franquistes, Melilla. Entrons. Madre de Dios, qu’est-ce que ce…

On pourrait continuer encore longtemps comme ça mais brisons là. Cette frontière n’a aucun sens. Mais là où d’autres verraient un problème, nous autres Marocains et Espagnols, potes d’enfance, camarades de chambrée, nous pouvons en faire une success story en présentant ensemble le dossier à l’Unesco: ‘‘la frontière la plus baroque du monde.’' Par ici, les touristes, par ici les dollars, les zlotys et les picaillons!

Tant que nous en profiterons tous, tout ira bien.

Par Fouad Laroui
Le 08/02/2023 à 11h19

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VOS RÉACTIONS

Brillante suggestion !

Il est plus qu'évident que cette proposition n'est à prendre qu'au second degré et que son objectif est de mettre en évidence l'absurdité d'une situation actuelle. Je ne pense pas que les politiques marocains aient renoncé à ces territoires comme au Sahara Oriental. Mais chaque chose en son temps, on boucle le dossier de notre Sahara Atlantique qui s'approche de sa résolution, et on verra pour la suite. En tout cas très bel article, qui montre une fois de plus que les Européens sont les rois de l'absurdité et ils s'en accommodent très bien en faisant la leçon au Monde entier.

Bsr professeur!Un partenariat gagnant-gagnant avec les Espagnols touristiquement parlant ne saurait,à mon humble avis,voir le jour.Cependant le parcours que vous proposez est fort intéressant pour les touristes qui vont jongler avec l'oriental et l'occidental le temps d'un périple.Les opérateurs des deux pays limitrophes doivent se réunir et se concerter pour trouver des projets communs et fructueux,matériellement et spirituellement parlant..L'Espagne sait très bien ce que lui rapporte chaque année l'Andalousie avec ses monuments,ses livres,ses plats,ses jardins,ses palais,etc... légués par les Arabes après leur départ.Le Maroc,lui, sait bien que le tourisme espagnol est très développé et qu'il peut lui servir pour s'améliorer. Merci pour vos suggestions et vos idées.Merci aux lecteurs

Qu'il s'agisse des provinces du sud,des frontières à l'est ou des enclaves espagnols au nord,nous payons aujourd'hui, très chèrement,les erreurs fatales commises lors des négociations de l'indépendance du Maroc en 1956.Il ne fallait pas accepter l'indépendance d'un Maroc amputé au sud ,à l'est et au nord.Dans leur course effrénée au pouvoir,certains nationalistes avaient relégué au second plan,la question des frontières authentiques du pays.Par la suite,les principe des "frontières héritées de la colonisation" et du" droit des peuples à l'autodétermination " ont considérablement compliqué nos efforts de parachèvement de notre intégrité territoriale.Nos voisins ont été plus intelligents.Ayant perdu en 1830 une petite régence Ottomane,ils ont récupéré en 1962 un continent de 2,3 M km2

« Tant que nous en profiterons tous, tout ira bien. » profiter de quoi ?? La seule est unique proposition raisonnable, c’est de nous restituer nos terres jusqu’au dernier caillou au fond de mer. Les bon comptes font de bons amis.

Malgré le sentiment patriotique qui nous anime, si je prends cette dérision du côté positif, je dirais que, finalement, les deux Royaumes, l'Espagne et le Maroc sont condamnés, par la géographie et l'histoire (l'histoire dans son double sens, i.e. passé et futur) à s'entendre, à mettre la main dans la main pour bâtir un avenir radieux, dans un intérêt commun bien réfléchi et bien compris, pour la paix et le progrès, et loin de l'esprit chagrin ou/et égocentriste. Dès lors, la frontière n'aura plus la même symbolique ni la même portée et le Maroc recouvrera ses droits historiques.

Les premières réactions montrent surtout que l’ironie subtile de M. Laroui est mal comprise. Croire qu’il fait sérieusement cette proposition, c’est manquer d’humour. En fait, son billet pointe surtout les contradictions espagnoles: proclamer l’amitié mais garder des rochers et une frontière ansurde. Satire et ironie sont des armes efficaces. Encore faut-il que le lecteur soit à la hauteur.

@ Observer; Bravo pour votre réaction ! Il faut en vouloir également aux "modérateurs" qui laissent passer ces insultes.

Si ça vous amuse, tant mieux pour vous. Mais, considérant le degré d’importance que revêt la question de l’intégrité territoriale du Maroc, l’humour n’a pas place ici. Voyez-vous, de l’humour «subtile», on peut en trouver même sur la Place Jamae El Fna. Bref, rien qu’à s’essayer au traitement de dossiers aussi sensibles et complexes, on ferait peut-être mieux de penser sérieusement faire usage d’une meilleure approche que celle choisie ici. L’humour «subtile»; comme vous dites. Quant aux lecteurs de cette plateforme et leurs niveau intellectuel ou autres, soyez sûr que vous seriez étonnamment renversé d’apprendre le parcours de chacun d’eux! Mettez-vous à peser vos mots avant de porter des jugements et dire n’importe quoi. C’est un don que de se retenir des fois; sinon la plupart des fois!

Sans vouloir vexer quiconque, comprend qui veut comprendre... Bravo ! L' Espagne peut dire la même chose à l'Angleterre au sujet d'un certain Rocher qui regarde vers le Maroc, appelé Gibraltar... Merci

Oui i nstaller l espagnol aux maroc encore et eux parler marocain non mettre l arabe dans les universiter espagnole y faut meme pas y penser pu ailleurs en europe ne revons pas sa depassera pas le stade du fric et les nourire comme d hab pas se faire de films

Non, M. Laroui, les territoires dont vous parlez doivent être restitués au Maroc. Il est inconcevable que l’Espagne, pays européen, soit «greffée» au continent africain. C’est tout simplement une anomalie historique et géographique. Si le Maroc et l’Espagne veulent se rapprocher davantage l’un de l’autre, il y a plusieurs autres manières de le faire; compte tenu de leur proximité historique, géographique et économique. Le potentiel qu’un rapprochement entre les deux royaumes offre est immense. Mais pas de la manière que vous proposez!

Bonjour Professeur! Considérer les endroits cités comme frontières entre le Maroc et l'Espagne,reviendrait à reconnaitre l'hispanité de ces enclaves !Votre proposition est certes économiquement et culturellement intéressante,mais elle risque d'être politiquement suicidaire ! Tout laisse à penser que cette situation qui date du 15è siècle est appelée à perdurer encore quelques siècles !Car,le Maroc n'a jamais réclamé officiellement la restitution de ces territoires et nos concitoyens du nord,et particulièrement les frontaliers, semblent s'accommoder de la situation,pour des considérations économiques évidentes.Toute la question est de savoir quoi privilégier ? l'économie ou la politique ?Feu Hassan II avait proposé à Franco de combiner les deux,mais ce dernier avait refusé d'en discuter !

L'Espagne doit dégager de ces îlots, et de sebta et mellilia , il faut que le Maroc fasse comme la Chine avec le Royaume-Uni pour Hong Kong. Il faut les étouffer économiquement, mais aussi, construire des bases militaires dans les eaux territoriales du Maroc autour de ces îlots, comme la Chine le fait autour des îlots disputés en mer de Chine

Moi, M. Laroui, je dis comment la France voit le renforcement des relations stratégiques et diplomatique entre le Maroc et l'Espagne ? Fin connaisseur des européens, je suis sûr que vous n'aurez aucune peine à me répondre, la réponse vous l'avez avant même que la question soit posée. En plus, on nous dit que le projet du tunnel sous le détroit refait surface; alors là....Je vous laisse deviner quelle sera la réaction du parlement européen.

Cette frontière est là où nos valeureux ailleux ont pu arrêter la reconquista et l'inquisition ! A nous, à nos enfants et nos petits enfants de la repousser en faisant rayonner l'Islam qui sublime l'Homme en tant qu'individu et que collectivité !

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