Implicitement annexée à la France, l’Algérie fut d’abord administrée selon la Loi du 24 avril 1833 créant les Établissements français d’Afrique dont la gestion était prévue par ordonnances royales. C’était en réalité une colonie militaire rattachée au ministère de la Guerre et dirigée par un Gouverneur général. L’ordonnance royale du 22 juillet 1834 fit officiellement de l’ancienne régence ottomane une possession française avec pour résultat que tous les habitants du territoire devenaient des sujets français.
Le nom d’Algérie fut ensuite officiellement donné à la conquête française le 14 octobre 1839 par le général Antoine Virgile Schneider (1779-1847), alors ministre de la Guerre dans le deuxième gouvernement Soult (1839-1840), par une instruction au maréchal Valée, gouverneur général de l’Algérie, et dans laquelle il écrivit:
«Jusqu’à ce jour, le territoire que nous occupons dans le nord de l’Afrique a été désigné dans les communications officielles soit sous le nom de Possessions françaises dans le nord de l’Afrique soit sous celui d’Ancienne régence d’Alger, soit enfin sous celui d’Algérie. Cette dernière dénomination plus courte, plus simple et en même temps plus précise que toutes les autres (…) a semblé dorénavant prévaloir (…) Je vous invite en conséquence (…) à substituer le mot Algérie aux dénominations précédentes».
Ce fut à la suite d’un premier voyage en Algérie (17,18 et 19 septembre 1860) que l’Empereur Napoléon III définit sa vision de la politique algérienne.
Le 19 septembre 1860 à Alger, à la veille de son retour en France, il prononça un important discours dans lequel, et pour la première fois, il évoqua le «royaume arabe»: «Notre colonie d’Afrique n’est pas une colonie ordinaire, mais un royaume arabe.»
Dans une lettre-programme datée du 1er novembre 1861, l’Empereur écrivit: «Au lieu de vendre des propriétés affermées par les Arabes, il faut les conserver (…) Au lieu d’étendre le territoire civil, il faut le restreindre».
Le 9 février 1863 dans une lettre au général Pélissier, Napoléon III écrivit: «L’Algérie n’est pas une colonie proprement dite, mais un “royaume arabe”. Les indigènes ont comme les colons un droit égal à ma protection et je suis aussi bien l’Empereur des Arabes que l’Empereur des Français.»
«Le 2 mai 1865, en Algérie, Napoléon III prononça un premier discours adressé aux Européens, auxquels il demanda de “traiter les Arabes, au milieu desquels vous devez vivre, comme des compatriotes”.»
Concrétisation de cette politique, le sénatus-consulte du 22 avril 1863 sanctuarisa en quelque sorte la propriété territoriale des tribus:
«Article 1- La France reconnaît aux tribus arabes la propriété des territoires dont elles ont la jouissance permanente et traditionnelle (…) à quelque titre que ce soit.»
Cependant, en dépit des ordres de l’Empereur, les colons continuèrent à empiéter sur les terres tribales, ce qui provoqua des tensions. Aussi, afin de juger par lui-même de la situation, Napoléon III fit alors un second voyage en Algérie où, le 2 mai 1865, il prononça un premier discours adressé aux Européens, auxquels il demanda de «traiter les Arabes, au milieu desquels vous devez vivre, comme des compatriotes».
Puis, le 5 mai, il s’adressa aux musulmans en ces termes: «Vous connaissez mes intentions. J’ai irrévocablement assuré dans vos mains la propriété des terres que vous occupez (…) J’ai honoré vos chefs, respecté votre religion, je veux augmenter votre bien-être, vous faire participer de plus en plus à l’administration de votre pays.»
À l’issue de cette visite, l’Empereur précisa sa politique algérienne. Le 20 juin 1865, il adressa ainsi une lettre-programme au maréchal de Mac-Mahon, Gouverneur général de l’Algérie, dans laquelle il écrivait qu’il n’avait pas l’intention de sacrifier «deux millions d’indigènes à deux cent mille colons». Le 9 mai 1865, il déclara «qu’il fallait cantonner les Européens et non les indigènes». Le nombre des Européens était en effet passé de moins de 600 à la fin de 1830 à 160.000 en 1856, et à plus de 200.000 en 1870.
Napoléon III pensa également à doter d’Algérie d’une Constitution qui aurait conduit à la création d’un État algérien lié à la France par l’union à travers sa personne, comme l’Autriche-Hongrie et la Grande-Bretagne et le Canada.
La défaite de 1870 devant la Prusse et la fin de l’Empire mirent un terme à cette vision politique à laquelle fut substitué un jacobinisme centralisateur dont les conséquences furent dévastatrices comme nous le verrons dans ma prochaine chronique.