Lors de sa visite en Russie, du 13 au 15 juin, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a saturé l’actualité par des propos improbables. Usant de formules rudimentaires à l’emporte-pièce, de mensonges et de mystifications, il a pensé donner son avis ou proposer des solutions à des crises dont il ne maîtrise ni les paramètres ni la complexité.
Indépendamment des turpitudes du régime algérien, qui relèvent du registre du tragique, l’humour et l’ironie seraient les mieux adaptés pour traiter de la parole du président algérien. On s’y attelle de façon sommaire!
«Moche coup à Moscou»
Sa visite à Moscou et sa rencontre avec Poutine au Kremlin n’ont pas manqué de nous rappeler les vieux titres de ces romans d’espionnage qui ont bercé notre jeunesse. Les fictions étaient à l’époque inspirées de la guerre froide, avec les Khrouchtchev, Brejnev, Kossyguine, Johnson, Nixon, Ford, Carter… jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989.
Gérard de Villiers, avec sa série des SAS, trouvait des titres percutants: «Mission à Moscou», «L’or de Moscou», «La Piste du Kremlin», «La vengeance du Kremlin», «L’affaire Kirsanov»… Et aussi Ian Fleming, l’auteur des James Bond, avec «Bons Baisers de Russie». Et également la série des OSS 117, de Jean Bruce, avec ce célèbre et fabuleux titre-calembour: «Moche coup à Moscou» (1958). Ce qui s’appliquerait bien au séjour incongru de Tebboune en Russie.
Les propos insolites de Tebboune, mâtinés de flagornerie, d’obséquiosité et de flatterie face à Poutine ont irrité le peuple algérien, consterné les observateurs internationaux et aussi gêné les Russes. Tebboune offre une matière très riche pour parodier les romans d’espionnage: «Courbettes au Kremlin», «Pantalonnades à Moscou», «Bouffonneries à Saint-Pétersbourg» ou même «Tebbouneries au pays des Tsars».
Les formules-chocs du «génie de la Mitidja»
Abdelmadjid Tebboune, qu’on pourrait aussi appeler «le génie de la Mitidja» (la Mitidja étant une plaine de l’arrière-pays algérois), à l’instar de l’ex-dictateur roumain Ceausescu, surnommé «le génie des Carpates», a été l’auteur d’un florilège exceptionnel, d’une performance dépassant les meilleures comédies, d’un numéro dont le genre comique du 7ème art devrait s’inspirer.
Les perles (des pierres, des rochers, des menhirs, devrait-on dire) du président algérien en Russie sont si nombreuses qu’on en reste incrédule. «Grâce à la Russie, l’Algérie a été élue membre non permanent du Conseil de sécurité», a affirmé sans sourciller Tebboune. Un mensonge grotesque, indigne d’un sous-fifre, dont Le360 a démontré l’inanité.
«Notre indépendance est venue de l’aide russe qui nous a donné des armes pour défendre notre liberté». Les «millions» de martyrs et l’inflation de slogans qui les accompagne sont passés curieusement à la trappe. Et aussi le soutien capital du Maroc et de la Tunisie, pays frontaliers, qui ont consenti des sacrifices énormes pour la cause algérienne.
Et cette stupéfiante flatterie au Forum économique de Saint-Pétersbourg: «Poutine est un ami de l’humanité». Même le président russe, qui n’attendait pas de son hôte d’atteindre des niveaux surréalistes d’obséquiosité, a affiché un sourire mi-amusé mi-embarrassé.
Mais Tebboune et les généraux algériens vivent dans un autre monde. La visite du président algérien fut complètement «débranchée» du contexte mondial. Peu importe, pour eux, qu’une majorité de pays à l’ONU ait exigé l’arrêt de la guerre en Ukraine et un retrait immédiat des troupes russes.
«Nous comptons sur la Russie pour nous armer et pour défendre notre indépendance», assène Tebboune. Carrément une supplique, un appel au secours, car l’heure semble grave. C’est aussi le constat d’échec d’un système qui a été incapable de gérer sereinement ses relations avec le monde et qui mène une politique étrangère perfide, motivée par le souci exclusif des généraux de se maintenir au pouvoir coûte que coûte.
Un système incapable de gouverner un pays aujourd’hui en faillite totale, due à l’incompétence notoire des dirigeants militaires et de leur façade civile.
Alors que l’Ukraine est massivement armée par les Occidentaux (jusqu’au 15 juin à hauteur de plus 40 milliards de dollars par les seuls USA et 16 milliards de dollars par les pays de l’UE, sans parler de l’aide du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie…). Ces pays observent avec vigilance les moindres faits et gestes de Moscou, et pendant que le monde déplore cette violence au cœur de l’Europe, le régime algérien– en un timing improbable et irresponsable– implore que la Russie le protège.
Obnubilé par la quémanderie d’un parapluie russe pour protéger les quelques centaines de généraux et leurs affidés civils, Tebboune a donc mis le turbo en matière de «brosse à reluire». Il ne s’agit évidemment pas de la «protection du peuple algérien» ni de «l’indépendance» de l’Algérie. Le peuple algérien n’est menacé par aucun pays. La seule menace qui plane sur lui est celle d’un Système opaque qui a dilapidé les richesses d’un pays gazier et pétrolier, dont le revenu aujourd’hui par habitant est inférieur à celui du Maroc et de la Tunisie, qui n’ont pourtant pas d’hydrocarbures.
La mystification autour des BRICS
Toujours au Forum économique de Saint-Pétersbourg, Tebboune a déclaré: «Nous aimerions rejoindre l’organisation BRICS dans un proche avenir (…). Dans un monde marqué par des crises, nous souhaitons adhérer au plus vite au BRICS pour quitter la zone du dollar et de l’euro».
Tebboune, dont le pays a une économie primitive, basée sur la vente des énergies fossiles, a déclaré la guerre au dollar et à l’euro alors que le système financier mondial repose sur ces devises, y compris pour les BRICS. Aucun discernement.
Tout le monde a compris que l’urgence du régime algérien pour soi-disant rejoindre les BRICS n’a rien à voir avec des motifs économiques. L’Algérie, un pays qui vit exclusivement de l’exploitation des hydrocarbures, n’a strictement rien à offrir aux pays des BRICS, dont les besoins en gaz et pétrole peuvent être en grande partie satisfaits par la seule Russie. Les pays du BRICS ne vont pas traîner un boulet dont le système bancaire appartient au Neandertal et dont l’économie repose sur la rente des hydrocarbures, appelée à tarir dans les dix prochaines années. L’Algérie n’est pas qualifiée pour rejoindre les BRICS. Les propos de Tebboune sont vains et destinés à doper sa popularité, dans l’espoir de tempérer les desseins de l’armée à lui trouver un successeur lors des présidentielles de 2024.