«La pire des décadences n’est point celle qui naît d’un excès de raffinement dans une élite, mais de la vulgarité et de la méchanceté générale». Ainsi parlait Maurice Martin du Gard. Dans les relations, plutôt tumultueuses, entre la France de Macron et le Maroc, il n’y a pas de méchanceté, mais pas mal d’ignorance et d’absence de raffinement.
Nous avons entendu le jeune, très jeune et nouveau ministre des Affaires étrangères, M. Stéphane Séjourné, nous dire qu’il a été chargé personnellement de renouer avec le Maroc. Nous lui souhaitons bonne chance. C’est la moindre des choses.
Dans nos traditions, celui qui frappe à ta porte t’oblige. Nous l’accueillons et nous lui donnons l’hospitalité. Mieux que cela, nous l’écoutons et nous respectons ce qu’il nous dit. Nous avons l’impression que le président Macron a enfin compris que notre voisin de l’Est ne lui concédera rien, ne lui donnera rien et continuera à faire fonctionner la fameuse «rente mémorielle» jadis dénoncée par Macron lui-même.
L’Algérie est dans un état pathétique, dans tous les domaines. Nous ne lui souhaitons que du bien et qu’elle suive le désir profond de son peuple, qui réclame la paix avec le Maroc et l’ouverture des frontières, terrestres et aériennes.
Les deux peuples se connaissent et ont besoin de se fréquenter, d’aller et venir librement dans les deux pays. Ignorer cette réalité, c’est infliger à ces deux peuples une punition intolérable, inadmissible. On sait que la main tendue du Maroc a toujours été non seulement refusée, mais aussi insultée.
Cela, Macron l’aurait compris.
Par ailleurs, s’il envoie son ministre des Affaires extérieures, c’est qu’il sait que le point d’achoppement concerne la cause nationale, non négociable: le Sahara marocain.
Le Souverain l’a dit avec ses mots, et ces mots ont été bien réfléchis, bien choisis. Les voici: «Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit».
Je cite cette phrase-clé à l’attention de M. Séjourné. Elle est fondamentale. Certes, il a déclaré que la France soutient la solution marocaine depuis 2007. Il est chargé d’écrire un nouveau chapitre de la relation entre son pays et le Maroc.
Il a dit: «Le soutien de la France au plan d’autonomie est une réalité depuis 2007. Il est temps désormais d’avancer. Je ferai tout pour que la France et le Maroc se rapprochent (…) avec le respect des Marocains».
Pourquoi pas? Après tout, le Maroc ne demande pas mieux que d’être respecté et que son intégrité territoriale soit acceptée et reconnue.
Il faut reconnaître que l’actuel ambassadeur de France à Rabat, M. Christophe Lecourtier, œuvre depuis son arrivée pour ce rapprochement. Il connaît et apprécie ce pays, ses traditions, son âme. Je pense qu’il a su en parler à Paris.
Le président Macron, dont la politique étrangère a subi quelques désagréments, notamment dans des pays africains, sans parler du Liban et de la Libye qui sont en train de sombrer dans un chaos effrayant, a compris qu’il fallait rétablir les liens avec un pays solide, stable, fiable et qui a une tradition d’amitié concrète depuis le général De Gaulle.
Cette amitié, pour qu’elle soit consolidée, aurait besoin d’une prise de position qui fera avancer le dossier de manière significative. Le Sahara, bien sûr! La France franchira-t-elle le pas décisif qui rejoindrait l’attitude de plusieurs nations et non des moindres?
L’Algérie! Oui, déjà sa presse officielle a écrit des pages nauséabondes sur les déclarations de Stéphane Séjourné. Il fallait s’y attendre. Il ne faut ni les lire ni les prendre au sérieux. De toute façon, quelle que soit la position de la France, elle sera critiquée par Alger. Alors, autant aller de l’avant et écrire un nouveau chapitre avec une encre qui ne s’efface pas et oublier les faux pas, les maladresses, les petites piques, la malveillance, notamment celle orchestrée par M. Séjourné lui-même au Parlement européen.
Le Maroc n’a pas la mémoire courte, mais il a la sagesse de savoir avancer quand la sincérité de son partenaire est réelle et sans ambiguïté.