Joshua Harris, qui endosse jusque-là le costume de sous-secrétaire d’État adjoint va donc bientôt être accrédité ambassadeur auprès de l’Algérie, la traditionnelle approbation par les deux-tiers de la chambre haute américaine de sa nomination n’étant qu’une simple formalité, corollaire de la singularité du système politique américain. Si le communiqué de la Maison-Blanche était muet sur les raisons de ce choix plutôt favorable au Maroc, les déplacements en cascade de part et d’autre de Joshua Harris à Alger et Rabat l’expliquent et le justifient en grande partie.
En effet, sans compter le CV en titane du futur chef de la représentation diplomatique US en Algérie, ce diplomate de carrière aguerri pour avoir roulé sa bosse et occupé des postes diplomatiques de premier choix donne des gages d’une maîtrise de tous les arcanes du régime algérien et de sa nomenclature anti-marocaine. La preuve en est que pas plus tard qu’en décembre dernier, il a veillé à ce que son interview avec deux médias algériens soit intégralement publiée sur le site de l’ambassade américaine à Alger, et ce, en trois langues, à savoir l’anglais, le français et l’arabe.
La prémonition de Joshua Harris, qui a intelligemment obvié à toute manipulation de ses propos par la presse algérienne, avait fait mouche. Ses réponses, en particulier celles qui intéressaient le Maroc et le Sahara marocain, ont été dénaturées et frelatées par les journalistes algériens. La raison? La position américaine quant à la marocanité du Sahara n’a pas changé d’un iota dans ses déclarations et, par-dessus le marché, le haut responsable états-unien avait prononcé la phrase qui provoque le prurit chez les locataires d’El Mouradia.
«Les États-Unis considèrent la proposition d’autonomie du Maroc comme sérieuse, crédible et réaliste, et comme une approche potentielle pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental», avait-il affirmé. Dépités, les médias algériens, qui ne s’étaient pas seulement contentés d’occulter cette réponse, sont allés jusqu’à lui faire dire ce qu’il n’a jamais prononcé, en mentionnant le terme si cher au cœur et aux yeux des apparatchiks algériens: «l’autodétermination». Un mot que Joshua Harris n’avait même pas balbutié au cours de l’entretien, comme en témoigne ce dernier toujours disponible sur le site officiel de l’ambassade américaine.
Le régime algérien, qui n’a pas décoléré après cette rebuffade, est allé jusqu’à prendre l’inflammable décision de fermer, comme à l’accoutumée, le ciel de l’Algérie à un avion militaire de l’US Air Force, un Boeing C17 Globemaster dont le code utilisé par les tours de contrôle était, curieusement, «Joshua Harris», révélait le site d’information espagnol La Razon, auquel des sources proches du dossier avaient qualifié cette décision de «comportement algérien étrange».
Un diplomate polyglotte
Joshua Harris, qui occupait auparavant le poste de directeur des affaires nord-africaines au Conseil national de sécurité US, où il a coordonné l’élaboration et la mise en œuvre des politiques américaines dans la région du Maghreb, maîtrise pas moins de six langues: l’arabe, le croate, le français, l’italien, le polonais et le slovène.
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D’après les informations communiquées par la Maison-Blanche, il a également été chef de mission adjoint et chargé d’affaires par intérim à l’ambassade des États-Unis à Tripoli, en Libye, et au bureau extérieur de la Libye à Tunis, en Tunisie. Préalablement, il a été sous-secrétaire d’État adjoint par intérim et directeur du bureau des affaires maghrébines au sein du bureau des affaires du Proche-Orient du ministère, directeur des politiques auprès de l’envoyé présidentiel spécial pour la Coalition internationale visant à vaincre l’État islamique en Irak et en Syrie (ISIS) et directeur pour l’Irak au sein du Conseil de sécurité nationale.
Diplômé de l’Edmund A. Walsh School of Foreign Service de l’Université de Georgetown et de la London School of Economics and Political Science, Joshua Harris a également été affecté à Ljubljana (Slovénie), à Bagdad (Irak) et à Zagreb (Croatie), détaille-t-on de même source.
Sa nomination sonne aussi comme une sanction pour son prédécesseur, qui a fait le pari perdu de travailler avec un régime qui dit une chose et fait son contraire. Elizabeth Moore Aubin a aussi commis la maladresse de se photographier dans les camps de réfugiés de Tindouf devant le portrait du chef du Polisario.