Le silence parlant de Macron sur l’Algérie

Mustapha Tossa.

ChroniqueSi Emmanuel Macron a opposé un silence à toutes les provocations algériennes, il leur a quand même apporté une forme de réponse politique et diplomatique dans un message cardinal: la France ne changera pas de position sur la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara atlantique.

Le 24/02/2025 à 16h56

Depuis qu’il a qualifié, dans son discours annuel devant les ambassadeurs, de «déshonneur» l’arrestation par le régime algérien de l’écrivain Boualam Sansal, le président français Emmanuel Macron n’a plus évoqué publiquement la question algérienne. Et pourtant, ce n’est pas faute d’occasions. L’agenda international du président était suffisamment fourni pour trouver l’opportunité de commenter et de cadrer cette crise franco-algérienne dont l’aggravation prend des proportions inédites.

Pour un président français qui avait habitué son monde à réagir au quart de tour sur la question algérienne, tant il lui accordait une place cardinale dans son legs politique en cours de construction, ce silence frise l’abstinence volontaire ou imposée. Et ce silence est d’autant plus pesant pour le régime d’Alger que le président algérien Abdelmadjid Tebboune s’était donné une peine palpable en exprimant, notamment lors de sa dernière sortie médiatique française, un sentiment d’urgence, de celui qui attend des déclarations d’Emmanuel Macron pour entamer une marche arrière dans l’escalade.

L’attention d’Alger était portée vers l’Élysée, dont il attendait des déclarations ou des prises de position qui, à défaut de rassurer le pouvoir algérien, pourraient alimenter cette légendaire ambiguïté française qui suffisait au bonheur du régime. Ces attentes tournaient principalement autour de la question du Sahara marocain. Il est difficile d’en comprendre les mécanismes de pensée et d’analyse, mais Alger semble convaincu que sous la pression de ses multiples pressions et ses mauvaises humeurs, la diplomatie française finira par opérer un rétropédalage sur sa reconnaissance de la marocanité du Sahara.

Sans doute le régime d’Alger comptait-il désespérément sur l’impact de son lobbying auprès des autorités françaises pour les faire changer d’avis. En pleine tempête politique, certains milieux de l’extrême gauche ont épousé bruyamment l’agenda du régime algérien et ont dénoncé le choix d’Emmanuel Macron de soutenir le Maroc. Certaines indications ont soulevé quelques espoirs dans ce sens, comme les récentes sorties médiatiques de l’historien Benjamin Stora -jadis apprécié pour son objectivité et son incontestable expertise-, dans lesquelles il semble épouser certains éléments de langage de la propagande algérienne. Il y a aussi le cas de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, dont les critiques contre la politique de Paris à l’égard d’Alger semblent susciter une admiration inédite dans les médias inféodés au pouvoir algérien. Il y a aussi le cas de Ségolène Royal, ancienne candidate socialiste à la présidentielle, qui pilonne Emmanuel Macron sur l’Algérie pour avoir longtemps ignoré ses offres de service.

«Le grand défi d’Emmanuel Macron est d’être ce président français qui, tout en travaillant à éviter une séparation entre les populations algérienne et française, aidera le régime algérien à accepter la réalité du Sahara marocain.»

Mais si Emmanuel Macron a opposé un silence à toutes ces sollicitations et souvent aux provocations algériennes, il leur a quand même apporté une forme de réponse politique et diplomatique dans un message cardinal: la France ne changera pas de position sur la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara atlantique. Sa première illustration est la programmation de la visite de Rachida Dati, ministre de la Culture française, dans les provinces sahariennes. Une première pour un membre du gouvernement français. À analyser les réactions du régime d’Alger, cette visite a fait très mal. Elle coupe l’herbe sous le pied de tous ceux qui nourrissaient le vague espoir d’un rétropédalage français.

Le second signal très parlant d’Emmanuel Macron concernant cette crise est le déplacement du président du Sénat, Gérard Larcher -troisième personnage de l’État-, dans les villes du Sahara marocain, du 23 au 26 février. Ces visites de responsables français à ces provinces sahariennes consacrent de manière irréversible la reconnaissance française de la marocanité du Sahara. Elles ont un dommage collatéral, provoquant l’hystérie du régime algérien dont l’obsession maladive du Maroc est en train de devenir un problème international à traiter en toute urgence.

Même s’il n’évoque pas publiquement les tenants et les aboutissants de cette crise avec Alger, Emmanuel Macron sera à terme dans l’obligation d’avoir un dialogue franc et ferme avec le régime algérien. Avec cette interrogation qui interpelle aussi bien la classe politique française que les autorités algériennes: que faire de cette très particulière relation franco-algérienne dans le cas fort irréfutable, pour ne pas dire certain, que la France ne reviendrait jamais sur sa décision de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara? Doit-on aller vers ce que Abdelmadjid Tebboune avait appelé dans une stratégie de dramatisation volontaire une irréparable séparation? Ou doit-on recourir à tous les moyens de pression interne et internationale pour obliger ce régime algérien à s’adapter aux nouvelles donnes politiques?

Le grand défi d’Emmanuel Macron est d’être ce président français qui, tout en travaillant à éviter une séparation entre les populations algérienne et française, aidera le régime algérien à accepter la réalité du Sahara marocain. Ce n’est ni une mission impossible ni une promenade de santé. Après avoir visé la réconciliation mémorielle comme trophée de son action politique au Maghreb, Emmanuel Macron pourra faire de la réintégration de l’Algérie et de la normalisation de ses rapports avec son environnement un autre grand objectif politique de sa diplomatie dans cette région si sensible aux intérêts vitaux de la France.

Par Mustapha Tossa
Le 24/02/2025 à 16h56

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