Ce qui a été retenu de la dernière sortie médiatique du président algérien Abdelmadjid Tebboune est sans doute moins révélateur de ce qui a été commenté de ses prises de position. L’attention a été à juste titre portée sur le changement de sémantique politique à l’égard d’Israël et cette soudaine disposition à normaliser les relations avec ce pays. Il s’agissait là d’un discours de séduction à l’adresse de la nouvelle administration Trump, pour qui la distanciation, et encore plus l’animosité, fût-elle médiatique, à l’encontre de l’État hébreu, sont une déclaration de rupture et de divorce avec Washington.
L’équipe Tebboune a compris cette nouvelle donne et a cru bon d’endosser les habits neufs d’un pays prêt à faire la paix avec Israël, alors que durant des décennies, le régime d’Alger n’a cessé de le fustiger et tirer à boulets rouges sur tous les pays qui s’en approchaient, au point d’être accusé de nourrir un antisémitisme d’État. D’ailleurs, la raison officielle invoquée par la propagande du régime algérien pour justifier sa rupture avec le Maroc était justement cette relation entre le Royaume et Israël.
Mais un des messages les plus forts médiatisés par le président Tebboune est son aveu officiel que les raisons exclusives de la crise inédite qui secoue les relations entre la France et l’Algérie sont à trouver dans la décision française de reconnaître la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Il est vrai que tous ceux qui suivent de près les arcanes de la relation entre Paris et Alger se doutaient bien des raisons de cette montée d’adrénaline entre les deux pays, mais venir l’exprimer de cette manière équivaut à s’enfermer volontairement dans une impasse diplomatique.
Abdelmadjid Tebboune l’a dit expressément: pour faire baisser la tension entre les deux pays, il s’attend à des déclarations fortes de la part du président français Emmanuel Macron. Et cette attente provoque des interrogations. Ces déclarations doivent-elles porter sur la négociation mémorielle entre les deux pays, qui oscille entre reconnaissance de crime colonial et repentance, l’accentuation de leurs coopérations économiques et sécuritaires, l’organisation d’une visite d’État du président algérien? De l’aveu même du président Tebboune, ces questions sont des symptômes, voire des dommages collatéraux, et non le nœud cardinal de la discorde.
Le cœur de la crise donc entre Alger et Paris est le Sahara marocain. Et pour éviter cette irréparable séparation dont parle le président algérien, sa demande non formulée, mais comprise par tout le monde, est que le président Macron revienne sur sa décision de reconnaître la marocanité du Sahara. Ce qui paraît, dans le contexte actuel, aussi saugrenu qu’impossible à réaliser.
M. Tebboune pratique un chantage face à la France sur le Sahara, alors qu’avec d’autres pays, cette question ne pèse pas beaucoup dans la qualité des rapports, comme le montrent les relations avec Washington et les capitales du Golfe, qui ont ouvertement reconnu la marocanité du Sahara. Logiquement, le régime algérien doit retirer son ambassadeur de toutes les capitales, de plus en plus nombreuses, qui épousent cette dynamique internationale favorable au Maroc.
En plaçant le curseur de la réconciliation entre la France et le régime algérien sur le Sahara marocain, Abdelmadjid Tebboune s’enferme volontairement dans une logique de crise et de surenchère. Il ambitionne de tordre le bras au président Emmanuel Macron, en l’obligeant à opérer une marche arrière sur le dossier du Sahara. Or, la décision française d’apporter le soutien de Paris à la souveraineté du Maroc sur son Sahara n’est ni un coup d’humeur politique passager ni une stratégie suivie à la légère. Les structures de l’État français ont fait leur choix en estimant que leurs intérêts supérieurs passent par leur précieuse alliance avec le Maroc. Une décision qui a provoqué une véritable sidération au sein du régime algérien, et qu’il a autant de mal à digérer.
Abdelmadjid Tebboune aura à gérer deux immenses difficultés en la matière. La première est celle de la France qui voit mal comment, par la voie d’un chantage manifeste, un pays étranger, l’Algérie en l’occurrence, pourrait lui imposer ses choix et ses alliances en matière de politique internationale. Cette fixation morbide sur le Sahara est de nature à accentuer l’isolement du régime algérien, qui épouse de plus en plus les contours d’un État voyou en rupture de ban avec son environnement régional.
La seconde difficulté est à trouver face à une opinion algérienne qui aura de plus en plus du mal à comprendre que ce régime est prêt à scarifier tous ses vaisseaux pour les beaux yeux des miliciens du Polisario. Les privations économiques, les pulsions autoritaires, l’isolement international et les disputes régionales sont tous un prix que le citoyen algérien paie par une piètre qualité de vie et un pouvoir d’achat dégringolant. Le jour où cette frustration va fermenter, le régime algérien aura à craindre une colère populaire qui sera si dense qu’elle finirait par emporter ses fondations.
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