France: à l’Assemblée, le groupe d’étude «Sahara occidental» n’a plus de raison d’être mais persiste encore

Le Palais Bourbon, siège de l'Assemblée nationale française. saget

Malgré la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France l’été dernier, l’Assemblée nationale française ne s’est, semble-t-il, pas encore alignée sur cette décision officielle. Dans ses alcôves subsiste toujours le groupe «Sahara occidental».

Le 14/01/2025 à 11h30

À l’Assemblée nationale française, les voix s’élèvent pour dénoncer le maintien du groupe «Sahara occidental», malgré la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France, et appellent désormais à sa suppression. Une décision qui coule de source alors que l’intergroupe «Sahara occidental» au Parlement européen, qui réunissait des eurodéputés pro-polisario, a été supprimé et n’a pas été reformé cette année, après vingt ans d’existence et malgré de nombreuses entorses au règlement.

Le 16 décembre 2024, Naïma Moutchou, vice-présidente de l’Assemblée nationale et députée du Val-d’Oise, interpellait ainsi dans un courrier Yaël Braun-Pivet, présidente de l’institution, à ce sujet. Évoquant la nouvelle position officielle de la France sur la question du Sahara, Naïma Moutchou rappelait dans son courrier que «la présence d’un groupe d’études dédié est dès lors redondante, voire contradictoire, avec la ligne diplomatique claire que notre pays a choisie». Et d’estimer que «maintenir ce groupe pourrait être interprété comme une remise en question de cette position et nourrir des ambiguïtés inutiles, voire instrumentalisé par des sensibilités politiques externes pour contester des positions officielles ou pour alimenter des débats dépassant le cadre légitime de nos travaux». Enfin, concluait la vice-présidente de l’Assemblée nationale, à l’heure où de nombreux enjeux internationaux plus urgents méritaient plus d’attention, «maintenir un groupe dédié au Sahara occidental serait déconnecté des réalités actuelles». Sa suppression serait ainsi «une mesure de bon sens».

Le 13 janvier 2025, c’était cette fois-ci au tour de Hanane Mansouri, députée de l’Isère de lancer le même appel à Yaël-Braun Pivet. Dans un courrier adressé à la présidente de l’Assemblée nationale, la députée a insisté sur «la nécessité de réévaluer l’existence du groupe d’études parlementaire consacré au Sahara occidental, en tenant compte des orientations diplomatiques récentes de la France».

Rappelant la position officielle de la France qui «s’est clairement affirmée en faveur de la reconnaissance de l’unité territoriale du Royaume du Maroc», Hanane Mansouri estime que le maintien de ce groupe d’études «apparaît en contradiction avec la position de l’État français» et «risquerait de nourrir des incompréhensions auprès de nos partenaires marocains, avec lesquels la France entretient des relations stratégiques profondes et historiques». L’objet de ce groupe étant désormais «caduc à la lumière des positions officielles de la France», Hanane Mansouri a appelé Yaël Braun-Pivet à engager les démarches nécessaires pour mettre fin à son existence.

La genèse d’un groupe controversé créé par la gauche française

C’est en 2013 que le groupe d’études «Sahara occidental» a vu le jour à l’Assemblée nationale française. Fondé par la Gauche démocrate et républicaine (GDR), ce groupe d’études, présidé dans un premier temps par Nicolas Sansu, maire communiste de la ville de Vierzon, était destiné à servir de «facilitateur dans le conflit» et à contribuer à «chercher des solutions» à cette question, annonçait-on alors dans un communiqué.

La volonté de créer ce groupe d’études était toutefois antérieure à cette date, car en 2007 déjà, André Chassaigne, président du groupe GDR, avait adressé une lettre au président de l’Assemblée nationale dans laquelle il demandait la création de ce groupe d’études dédié à la question du Sahara occidental.

Une demande réitérée le 22 janvier 2008 à l’Assemblée nationale à la suite d’une réunion convoquée à l’invitation de Jean Paul Lecoq (GDR), alors député de Seine-Maritime et soutien inconditionnel du régime d’Alger, et sous la présidence d’André Chassaigne, avec pour thème «Sahara occidental, comment peser pour favoriser la résolution de ce conflit dans le respect du droit international?». Une réunion à laquelle avait pris part Omar Mansour, soi-disant représentant du Polisario en France.

Le Polisario sur le même plan que les Kurdes et les Ouïghours…

Instances ouvertes à tous les députés et constituées pour approfondir et suivre des questions spécifiques, qu’elles soient de nature politique, économique, sociale ou internationale, les groupes d’études «n’interviennent pas directement dans la procédure législative», indique l’Assemblée nationale. Leur mission consiste ainsi à «assurer une veille juridique et technique sur des questions trop spécialisées pour faire l’objet d’un examen suivi par les commissions permanentes (problématique, secteur d’activité…)».

Sous les XIVème (2012-2017), XVème (2017-2022) et XVIème législatures, plus d’une centaine de groupes d’études ont été agréés. «Les thèmes couverts sont des plus divers: sectes, assurances, tourisme, ruralité, villes et banlieues, langues régionales, longévité, prisons, protection des animaux, etc.», précise l’Assemblée nationale. En effet, les thématiques sont aussi diverses que généralistes, traitant de sujets ayant un impact sur la société française, mais ne concernent que dans trois cas des sujets de politique étrangère, incarnés par trois groupes d’études, dédiés respectivement aux «Kurdes», aux «Ouïghours» et enfin au «Sahara occidental».

Décrits comme des lieux «de discussions et d’échanges irremplaçables entre députés de tous bords», ces groupes d’études sont pourtant à l’origine d’invitations lancées à des intervenants extérieurs à l’Assemblée nationale. Ainsi, l’Assemblée nationale française, sur invitation du député Jean-Paul Lecoq, lui-même président du groupe «Sahara occidental» depuis le 1er février 2018, accueillait-elle le 24 mars 2024 deux militants du Polisario. Sur son site, Jean-Paul Lecoq, aligné aveuglément sur la politique du régime d’Alger, déclarait suite à cette rencontre avoir «accueilli avec grand plaisir deux jeunes militants sahraouis pour échanger ensemble sur la situation au Sahara occidental et de ses derniers développements». Et de conclure, que «les résolutions de l’ONU garantissant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui doivent être respectées!»

La position de la France étant désormais claire, n’en déplaise à Jean-Paul Lecoq qui s’était fendu d’un communiqué pour dénoncer la décision d’Emmanuel Macron de reconnaitre la marocanité du Sahara, pourquoi ce groupe existe-t-il encore au sein de l’Assemblée nationale française et à quoi peuvent encore servir les discussions qui y sont tenues?

Par Zineb Ibnouzahir
Le 14/01/2025 à 11h30