Xavier Driencourt au Maroc pour présenter son best-seller «L’énigme algérienne»

Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France en Algérie et auteur du best-seller «L'énigme algérienne. Chroniques d'une ambassade à Alger», désormais disponible dans les librairies marocaines en format poche.

À l’occasion de l’édition en format poche de son livre «L’énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger», Xavier Driencourt animera quatre conférences au Maroc, respectivement à Casablanca, Fès, Tanger et Marrakech, du 1er au 8 novembre. Dans ce livre choc, l’ancien ambassadeur de France à Alger dresse un portrait au vitriol de l’Algérie contemporaine et du «Système» militaire qui la dirige d’une main de fer.

Le 16/10/2024 à 12h14

Xavier Driencourt sera l’invité de la conférence «Le Grand témoin Le360», le 1er novembre prochain, à Casablanca. Son livre au scalpel, «L’énigme algérienne», vient d’être publié en format poche dans la collection Alpha des éditions de L’Observatoire. L’ancien ambassadeur de France en Algérie (de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020) donnera également une conférence, le 4 novembre, à l’Université Euromed de Fès et présentera son livre le 6 novembre à la librairie des Colonnes, à Tanger, puis le 8 novembre à la librairie Gueliz, à Marrakech.

Xavier Driencourt est l’un des experts renommés de l’Algérie. Il tient régulièrement des chroniques éclairantes sur ce pays et établit des rapports et des études qui aident les politiques français à prendre des décisions en lien avec l’Algérie. Il vient d’ailleurs d’être classé par Radio France parmi les 100 penseurs et experts du «nouvel ordre mondial».

Les raisons du succès de «L’énigme algérienne»

Dès les premières pages, l’auteur nous fait part de son étonnement face à la singularité du régime algérien. Il décrit un pays qu’il connaît bien, où les apparences sont souvent trompeuses, et un État riche en ressources naturelles, mais miné par des dysfonctionnements internes. «L’Algérie est un pays où l’économie informelle prospère, où l’administration est omniprésente, mais souvent inefficace, et où la politique est marquée par la prudence et l’opacité», analyse-t-il.

Cette dualité entre richesse et coma institutionnel est une clé pour comprendre le rôle omnipotent de l’armée, qui a façonné le «Système», explique l’ancien diplomate. Une armée qui ne s’est jamais contentée d’être une institution de défense: elle constitue en réalité l’épine dorsale du régime et joue un rôle prépondérant dans la prise de décision.

Le rôle central de l’armée dans la politique algérienne

L’auteur consacre plusieurs chapitres à la description de l’influence de l’armée dans les affaires politiques du pays, soulignant que les décisions cruciales se prennent souvent dans les couloirs du pouvoir militaire, loin des bureaux ministériels. «L’armée est omniprésente, c’est elle qui dicte le tempo politique. Les chefs militaires sont les véritables architectes du pouvoir en Algérie», écrit-il. L’armée provoque une paralysie politique, renforcée par le poids du FLN et l’histoire coloniale, omniprésents aussi, qui continuent à structurer l’identité nationale algérienne.

Driencourt souligne que, contrairement à d’autres États où les militaires interviennent principalement en cas de menace externe, en Algérie, l’armée a un rôle dominant dans la gestion des affaires intérieures. La hiérarchie militaire détient un véritable contrôle sur le pouvoir civil, mainmise qui s’est consolidée au fil des décennies, particulièrement après la guerre civile des années 1990. Cette période tragique a renforcé la légitimité de l’armée auprès de certains segments de la population. Toutefois, précise l’auteur, cette légitimité ne s’est pas construite uniquement sur la protection contre les menaces intérieures et extérieures, mais aussi sur un contrôle autoritaire des institutions.

Le rôle du DRS et l’influence des généraux

L’un des aspects que l’auteur développe particulièrement est l’influence des services de renseignement algériens, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), entre les mains de l’armée et dirigé pendant longtemps par le général Mohamed Mediène, dit Toufik. Ce service a été au cœur de la surveillance de la société algérienne, contrôlant non seulement les éléments dissidents, mais influençant également les nominations politiques et la gestion des affaires publiques. Xavier Driencourt qualifie le DRS de «pouvoir dans le pouvoir», un acteur de premier ordre qui agit souvent dans l’ombre pour réguler les intérêts du régime.

Cette influence militaire s’est brusquement révélée en 2019, avec le Hirak, lorsque le chef d’état-major Gaïd Salah a dû passer outre la tradition de l’omerta, et prendre, publiquement, le pouvoir politique. Xavier Driencourt décrit Gaïd Salah comme un personnage puissant, mais énigmatique, qui s’est progressivement imposé comme le garant de la transition politique post-Bouteflika. «Le général Gaïd Salah était un homme puissant, influent, mais aussi secret, dont les décisions ont façonné le destin de l’Algérie dans des moments cruciaux», indique-t-il.

Les rencontres marquantes de l’auteur avec les plus hauts responsables algériens dévoilent les dessous d’un pouvoir souvent difficile d’accès. Il décrit avec précision le dernier mandat de Abdelaziz Bouteflika, marqué par l’inertie du régime, ainsi que l’émergence du Hirak, ce mouvement populaire porteur d’espoir pour une transformation démocratique.

L’armée face au Hirak: défense du régime ou du peuple?

Le diplomate raconte que face à la mobilisation populaire massive, qui a débuté en février 2019 et réclamait le départ d’Abdelaziz Bouteflika et une refonte du système politique, l’armée a tenté de se positionner en arbitre. D’un côté, Gaïd Salah et les militaires ont permis la destitution de Bouteflika, répondant en apparence aux revendications du peuple; d’un autre côté, Driencourt montre que l’armée a veillé à ce que le mouvement n’aboutisse pas à une véritable rupture avec le système en place: «Le rôle de l’armée a été de préserver le régime, tout en donnant l’impression d’accompagner les demandes populaires».

Driencourt exprime un certain scepticisme sur la capacité de l’armée à laisser émerger une véritable démocratie. Selon lui, tant que l’armée restera l’arbitre ultime des décisions politiques, il est peu probable que des réformes profondes aient lieu: «Les élites militaires n’ont aucun intérêt à céder leur pouvoir, et leur rôle reste primordial pour garantir la pérennité du système en place». Cette observation souligne une continuité dans l’histoire politique de l’Algérie, où l’armée a toujours su maintenir son emprise, son empire, même lorsqu’elle était critiquée ou contestée.

Une économie sous contrôle militaire

Outre la confiscation du politique, Driencourt souligne que l’armée est aussi un acteur économique, et ses intérêts dans les ressources naturelles du pays font partie intégrante de son pouvoir. «L’énigme algérienne» explore les rouages qu’a utilisés l’armée pour exercer un contrôle direct et indirect sur l’économie du pays. Ces rouages, que les Algériens eux-mêmes ont nommés le «Système», sont centrés sur un réseau de militaires et de politiciens influents qui cannibalisent les secteurs stratégiques de l’économie depuis l’indépendance. L’armée, écrit-il, est devenue une force incontournable en contrôlant non seulement les aspects sécuritaires de la nation, mais aussi les entreprises publiques, notamment dans les secteurs pétrolier et gazier, sources principales de revenus pour le pays. Driencourt souligne que cette militarisation de l’économie a des répercussions importantes, telles que la corruption à grande échelle, l’absence de réformes économiques structurelles et un blocage du développement privé. Cette concentration de pouvoir empêche la diversification de l’économie, rendant l’Algérie fortement dépendante de la rente énergétique.

L’auteur analyse également le rôle des généraux dans la perpétuation du régime, illustrant comment leur appropriation de l’économie leur permet de maintenir leur influence, notamment via des accords opaques et des partenariats avec des hommes d’affaires proches du pouvoir.

Une relation avec la France sclérosée dans le passé

Enfin, dans ce livre courageux, Xavier Driencourt décrit la relation complexe et souvent ambiguë entre la France et l’Algérie, marquée par une méfiance réciproque: «La relation franco-algérienne est faite de non-dits, de silences lourds, et d’accusations parfois voilées, parfois explicites. C’est une relation de défiance». Cette relation, qui prend racine dans la colonisation française de l’Algérie (1830-1962) et la guerre d’indépendance, reste un sujet brûlant dans les deux pays: «Tandis que la France cherche à regarder vers l’avenir, l’Algérie demeure focalisée sur les blessures du passé, exigeant des excuses et une reconnaissance des crimes de la colonisation».

Driencourt souligne que la France est toujours vue à travers le prisme de cette période dépassée en ce qui la concerne. Les dirigeants algériens, en particulier, instrumentalisent le passé colonial pour asseoir leur légitimité et renforcer un sentiment anti-français parmi la population. Selon lui, «chaque mot ou geste venu de Paris est scruté, analysé, voire instrumentalisé par le régime algérien». Cette citation montre à quel point les relations avec la France sont chargées de paranoïa, et finissent par déclencher des vagues de réactions hostiles à Alger. Il mentionne également que les références à la guerre d’indépendance égrènent encore aujourd’hui tout discours officiel algérien. Le régime en place s’appuie sur cette mémoire collective pour renforcer sa propre autorité.

«L’énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger» se présente comme un témoignage précieux, mêlant souvenirs personnels et récits politiques. Xavier Driencourt nous offre ainsi un regard à la fois intime et factuel sur une Algérie qui se cherche dans les limbes de son histoire. Depuis sa parution en 2022 aux éditions de L’Observatoire, l’ouvrage connaît un succès constant, et sa réédition en format poche depuis un mois témoigne de son influence durable.

Cycle des conférences de Xavier Driencourt au Maroc:

Casablanca: Hôtel Hyatt Regency, le vendredi 1er novembre. 19H00.

Fès: Université Euromed, le lundi 4 novembre. 14H30.

Tanger: Librairie des Colonnes, le mercredi 6 novembre. 19H

Marrakech. Librairie Gueliz, le vendredi 8 novembre. 19H.

«L’énigme algérienne. Chroniques d’une ambassade à Alger», les éditions de L’Observatoire, collection Alpha, 2024. 320 pages. Prix public: 113 DH.

Par Karim Serraj
Le 16/10/2024 à 12h14