En ce mois de décembre, le temps des bilans approche. Pour l’Algérie, celui de 2025 est clairement catastrophique, et cela, au triple point de vue diplomatique, économique et existentiel.
Diplomatiquement assommée par la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU consacrant la prééminence du plan d’autonomie marocain sur le Sahara dit occidental, l’Algérie termine l’année 2025 avec un bilan diplomatique désastreux. La reconnaissance internationale de la marocanité du Sahara occidental est en effet désormais actée, or, l’Algérie avait joué son va-tout sur cette question qu’elle avait elle-même créée. Il s’agissait même d’un enjeu primordial pour une Algérie qui avait engagé tous ses moyens afin de briser son enclavement continental dans le but de s’ouvrir une fenêtre sur l’océan atlantique à travers la fiction d’un pseudo État saharaoui.
En plus de cela, l’Algérie s’est brouillée avec ses voisins sahéliens en persistant à vouloir considérer la région comme une sorte de protectorat méridional.
Plus encore, les intérêts de l’Algérie se trouvent désormais opposés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui lui fournit l’essentiel de ses armements. Moscou soutient ainsi militairement Bamako quand Alger est aux côtés des Touareg que les autorités maliennes voient comme des «séparatistes». En Libye également, les intérêts d’Alger se heurtent de front à ceux de la Russie. L’Algérie qui soutient Tripoli contre Benghazi refuse ainsi la présence des Russes d’Africa Corps qui combattent aux côtés du maréchal Khalifa Haftar, le maître de la Cyrénaïque.
Enfin, en emprisonnant Boualem Sansal, l’Algérie a grandement écorné son image internationale, notamment au Parlement européen où ses lobbystes n’ont pas réussi à empêcher un vote à l’unanimité exigeant la libération de l’écrivain.
Économiquement, étant en totale dépendance des hydrocarbures, l’Algérie est donc suspendue à la variabilité de leurs cours. Pétrole et gaz fournissent en effet, bon an mal an, entre 95 et 98% des exportations et environ 75% des recettes budgétaires d’une Algérie qui, n’ayant pas retenu la leçon des crises des années 1986, 1990 et 1994, n’a toujours pas diversifié son économie. Or, bloquée sur la monoproduction d’hydrocarbures dont les volumes exportables devraient baisser en raison de l’augmentation de la consommation intérieure et de l’épuisement progressif des gisements– cela en dépit des annonces de nouvelles découvertes–, l’Algérie va, de plus, devoir satisfaire les besoins élémentaires d’une population en forte augmentation. Au mois de janvier 2025, le pays comptait ainsi 46,7 millions d’habitants (12 millions en 1962), avec un taux d’accroissement annuel de 2,15%, et un excédent de près de 900.000 habitants chaque année. Or, ne produisant pas de quoi habiller, soigner, équiper et nourrir ses enfants, l’Algérie doit donc tout acheter à l’étranger. En 2025, le quart des recettes tirées des hydrocarbures servit ainsi à l’importation de produits alimentaires de base dont l’Algérie était exportatrice avant 1962.
«L’Algérie va de plus en plus apparaître comme étant un État colonial refusant d’appliquer le droit à l’autodétermination, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, aux populations des territoires marocains, tunisiens et libyens qui lui furent offerts par le colonisateur français et qu’elle considère comme lui appartenant. »
— Bernard Lugan
En 2026, l’Algérie va donc devoir procéder à des choix économiquement vitaux mais politiquement explosifs. D’autant plus que le déficit budgétaire devrait atteindre 75 milliards de dollars en 2026 avec des projections du cours de l’or noir en repli autour des 60-65 dollars, donc des recettes en baisse. Or, alors que les recettes reculent, le budget 2026 prévoit une enveloppe de 25 milliards de dollars pour l’armée qui engloutit à elle seule 20% du budget général de l’État algérien. Si l’on ajoute à cela les 46 milliards de dollars de transferts sociaux non productifs qui garantissent la paix sociale et qui totalisent environ 40% du budget national, plus les sommes versées aux ayants-droits prébendiers de l’association des Moudjahidine, la part restante disponible pour les investissements nécessaires à une diversification de l’économie afin de sortir du tout hydrocarbures est anecdotique.
De plus, la chute du dinar vis-à-vis de l’euro va encore peser davantage sur les Algériens. Ceux qui souhaitent acheter des voitures ou qui ont l’intention de voyager à l’étranger, devront encore davantage se tourner vers le marché parallèle pour se procurer les euros indispensables. La conséquence va être que le gouvernement va durcir encore davantage les conditions d’importation, d’où l’aggravation des pénuries de biens de consommation.
Enfin, et peut-être le plus grave, en 2025, ce sont les fondements existentiels de l’Algérie qui ont commencé à être sérieusement mis en question, ce qui a fait apparaître au grand jour qu’historiquement parlant, la «nation algérienne» est un «non concept».
En 1830, quand la France chassa les Ottomans, en dehors de la ville d’Alger, le wilayat turc d’Alger ne contrôlait qu’une partie de la Mitidja ainsi que quelques enclaves. Or, en créant l’Algérie, en plus de lui donner son nom, la France rassembla des ensembles qui n’avaient jamais eu le moindre destin commun. C’est ainsi que furent rattachés à l’Algérie française, à la fois les Kabylies et les Aurès, régions que la Régence ottomane n’avait jamais pu contrôler. Aujourd’hui, la revendication kabyle apparaît de plus en plus comme étant une question de décolonisation inachevée relevant donc de la compétence de l’ONU puisque la région fut rattachée à l’Algérie sans consultation de ses populations. Voilà pourquoi les mouvements kabyles demandent à l’ONU d’initier un processus international permettant au peuple kabyle d’exercer librement son droit à l’autodétermination dans ses frontières historiques d’avant la colonisation française.
Plus encore, la France donna des frontières à ses départements d’Algérie devenus l’Algérie indépendante. Or, ces frontières furent tracées en amputant territorialement le Maroc de toute sa partie orientale, la Tunisie de sa partie saharienne, et la Libye de son extrême ouest. Mais, au moment de l’indépendance de 1962, s’affirmant l’héritière de la France coloniale qu’elle ne cesse pourtant de dénoncer, l’Algérie ne consulta pas les populations marocaines, tunisiennes et libyennes qui vivaient dans ces régions spoliées afin de leur demander si elles voulaient réintégrer leurs patries d’origine ou bien devenir citoyennes du nouvel État algérien.
Tout ceci fait que l’Algérie va de plus en plus apparaître comme étant un État colonial refusant d’appliquer le droit à l’autodétermination, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, aux populations des territoires marocains, tunisiens et libyens qui lui furent offerts par le colonisateur français et qu’elle considère comme lui appartenant.
Voilà donc l’arroseur arrosé car l’Algérie n’a en effet jamais cessé de brandir l’argument du référendum dans la fausse et artificielle question du Sahara dit occidental.





