Documents incontestables et authentiques à l’appui, Bahija Simou, docteure d’État en histoire contemporaine et auteure de plusieurs ouvrages, a présenté, avec brio et durant plus d’une heure, un pan important de l’histoire du Maroc, un État-nation qui a durant des siècles possédé une vision extrêmement claire et précise de sa souveraineté sur les régions du Sahara oriental.
«Le Maroc n’a jamais cessé de défendre ses frontières orientales qu’il possédait depuis le 17ème siècle jusqu’à l’arrivée des Français», a-t-elle affirmé, soulignant que «dès son accession à l’indépendance en 1956, et en avril de la même année ainsi qu’en 1957, la France tenta d’entrer en discussion avec le Maroc pour résoudre le problème des frontières du Sahara oriental, et ce par la voix de l’ambassadeur de France à Rabat, Alexandre Parodi, qui insistait pour rencontrer le gouvernement marocain, auquel il avait suggéré une solution du problème, soulignant que parmi les questions à résoudre figurait la région de Tindouf». Selon l’historienne et directrice des Archives royales, la France comptait restituer, à ce moment-là, Tindouf au Royaume du Maroc.
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Bahija Simou rappelle à cet effet que «Feu le roi Mohammed V refusa cette proposition et répondit à la France qu’agir ainsi serait donner un coup de poignard dans le dos des combattants algériens» et que le Souverain préférait «attendre l’indépendance de l’Algérie pour résoudre ce problème des frontières avec “nos frères algériens”».
Une réponse qui reflétait, a-t-elle poursuivi, «ses nobles principes qui respectent le bon voisinage et la fraternité dans l’Islam ainsi que les liens de sang entre les tribus marocaines et algériennes».
Appui du Maroc à la révolution algérienne
Cette réponse incarnait, également, «sa philosophie de solidarité avec la révolution algérienne», fait valoir Bahija Simou, qui rappelle dans ce sens l’appui précieux et décisif du Maroc à cette révolution.
«Nos chemins de fer, les moyens de propagande, nos casernes militaires et nos ports ont été mis, entre autres, à la disposition des Algériens pour parvenir à la victoire finale», a-t-elle martelé. Force est de rappeler également, selon elle, «les positions diplomatiques et les aides financières et militaires (fourniture d’armement et soldats)» à l’Algérie durant cette période.
Peu avant sa digression sur l’apport considérable du Maroc à la révolution algérienne et son refus de traiter la question du Sahara oriental avec la France, Bahija Simou a mis en avant le cas d’un personnage peu connu jusque-là, à savoir Ali Ben Mohammed Soussi Semlali, qui faisait partie de la commission chargée d’identifier les frontières. Ce dernier avait présenté au sultan Moulay El Hassan en 1887 un document où il l’invitait à une répartition territoriale sous forme d’une carte complète du Maroc où les régions sahariennes, de l’Est et de l’Ouest, apparaissaient de façon nette et claire. «Le document est d’autant plus précieux qu’il mentionne les tribus avec leurs noms marocains authentiques, leurs emplacements et le nombre de leurs populations», dit-elle.
Le Sultan reçut la Baïa (allégeance) de ces régions au 20ème siècle
Et de poursuivre en évoquant l’année 1900, date pendant laquelle la France a occupé des régions marocaines comme «Timimoune, Ksour Mtarfa, Beni Abbas, Aïn Saleh», avant de s’approprier, entre 1900 et 1903, «les oasis de Touat, les environs de Béchar, Bourara, Tidikelt et Aïn Safra».
L’État marocain, ajoute-t-elle, s’était insurgé contre ces dépassements «comme le démontre le livre d’Alfred Georges Paul Martin, intitulé “Quatre siècles d’histoire marocaine au Sahara de 1504 à 1902”, paru pour la première fois en 1923». Cet ouvrage de 613 pages, rédigé par cet ancien officier interprète de «l’armée d’Afrique», est riche en documents prouvant sans l’ombre d’un doute la souveraineté du Maroc sur le Sahara oriental sous l’autorité directe des sultans chérifiens.
«La résistance féroce rencontrée par les colons français dans nos régions du Sahara, occidental et oriental, a poussé ces derniers à la signature du protocole de 1901, et le protocole du 20 avril 1902. Ces deux protocoles sont les deux décisions portant exécution des dispositions du traité de Lalla Maghnia. Les lecteurs avertis du protocole de 1902 peuvent y déceler que la souveraineté n’a pas été ôtée au Maroc, mais que le droit de pacification a été octroyé aux Français. La souveraineté marocaine fut donc maintenue», souligne cette spécialiste des archives coloniales.
À propos de ces deux accords, Alfred Georges Paul Martin écrit dans son livre que Le360 a consulté: «L’extension territoriale réalisée par la France dans le Sahara depuis 1900, et dont le Gourara, le Touat et le Tidikelt ne constituaient qu’une partie, avait rendu instante la question de la frontière laissée jadis en suspens par le traité de 1845, et avait imposé la nécessité d’une conversation avec le gouvernement chérifien.» Une énième preuve, et non des moindres, que ces régions appartenaient de droit et historiquement à l’empire marocain.
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La preuve en est que le sultan Moulay Hafid avait reçu la Baïa, l’allégeance des tribus locales, en 1907, dans l’ensemble des régions du Sahara oriental, à savoir les provinces de Touat, Tidikelt et Bourara, qui sont demeurées sous souveraineté marocaine, souligne la directrice des Archives royales.
Lignes Varnier et Trinquet
Le 14 janvier 1912 (deux mois avant le protectorat), la France a unilatéralement adopté la ligne Varnier qui fixait les limites de la compétence administrative, via laquelle elle a procédé à l’amputation arbitraire des régions du Sahara oriental marocain. Bahija Simou explique à ce propos que sur la base de cette ligne, la France s’est emparée de Tafna et de plusieurs autres provinces marocaines. Le Maroc n’avait pas reconnu cette ligne.
Il s’est ensuivi la deuxième ligne, celle de Trinquet, qui a complété la première avant de s’arrêter à Tindouf. «C’est comme cela que s’est opérée l’extension française au détriment des territoires marocains, de l’Est à l’Ouest», conclut-elle.